"Le monde est un mécanisme parfaitement équilibré d'appels et d'échos de couleur rouge qui se font passer pour un système d'engrenages et de roues dentées, une horlogerie de rêve carillonnant sous la vitre d'un mystère que nous appelons la vie. Et au delà de la vitre. Tout autour d'elle? Du chaos, des tempêtes." (traduction Nadine Gassié, Albin Michel, 2013)
Imaginer une fiction, une sorte de réalité alternative permet à August Brill et donc Paul Auster d'avoir la main sur l'histoire et son déroulement. Ainsi, il devient le démiurge et non plus la victime collatérale de décisions politiques (guerre en Irak) et la victime d'un trauma national. C'est une façon comme une autre d'affronter et juguler ses névroses.
"Parce que la guerre lui appartient. Il l'a inventée, et tout ce qui arrive ou est sur le point d'arriver se trouve dans sa tête. Elimine cette tête, la guerre s'arrête, c'est aussi simple que cela".
Ainsi August Brill navigue dans un quotidien rempli de vieux films visionnées avec sa petite-fille et de nuits dans lequel "chaque monde est la création d'un esprit". Inventer un monde parallèle dans lequel il est finalement une proie qu'il a lui-même ciblée lui permet de faire face aux réalités choquantes.
Ce n'est pas la première fois que Paul Auster, raconte une autre réalité. déjà dans Le Voyage d'Anna Blume (Actes Sud Babel) et dans Le Scriptorium (Actes Sud), les mondes parallèles austériens font froid dans le dos et dénoncent en arrière plan des réalités sociétales. Mais dans ce roman, c'est la force de l'esprit qui supplante celle de l'écriture. August Brill est le Paul Auster fictionnel qui n'en finit pas de panser ses plaies de l'attentat du 11 septembre. Seule l'invention romanesque est assez puissante pour repousser l'impensable. Seul dans le noir replace l'individu au centre de l'Histoire et pose la question de la responsabilité de chacun.