lundi 8 avril 2024

All in !


Charles Roux poursuit sa quête du monstre littéraire en exploitant cette fois-ci la quête identitaire. Dans Les Monstres, on suivait trois personnages en errance dans une ville jamais nommée dans laquelle se cachait un monstre. Dans La Maison de jeu, un personnage principal, Antoine, est en quête de lui-même "hagard et seul" dans une ville "purgatoire"
Son addiction au jeu l'emmène à la Couronne d'Or où il décide d'être volontaire à la table ultime où lui sera révélées toutes ses vies possibles grâce à un coup de dés. 
"A chaque table, on vous tance on vous invite à vous asseoir. Ce qu'on vous fait miroiter ? La promesse d'une vie meilleure, peut-être même d'une vie tout court, ce qui, pour vous, serait déjà quelque chose. Se présentent à vous plus de possibles que vous ne l'imaginez".
A chaque vie, c'est un excès qui est mis en évidence : la richesse, la gourmandise ou l'inverse, l'addiction au sexe ou à l'alcool. On pourrait même croire aux péchés capitaux... Antoine se rend compte que chaque situation engendre un isolement intérieur et social ainsi que des comportements amoraux. Son ego le conduit toujours vers "une béance rougeoyante".
"Au milieu de ce pays caché qui est le vôtre, vous avez installé un banc. Un trône en quelque sorte. Un endroit qui vous sert à méditer sur cette entreprise démesurée dont vous ignorez la fin. La vérité, Antoine, c'est que ce banc représente aussi la solitude sociale et sentimentale qui est la vôtre depuis que vous vous êtes lancé dans cette folle entreprise".
Néanmoins, Antoine, à chaque expérience, apprend. Il reconstruit sa personnalité propre, avance et rejette ce qui l'attirait auparavant. Il réussit à affronter ses démons intérieurs. La démesure (l'hubris grec) n'est plus une fatalité. Il ne sera plus le parfait candidat pour une société ultra consumériste.

Comme pour son premier roman, Charles Roux utilise le vocatif "tu" dans sa narration. Cela met d'emblée une distanciation entre le personnage et le lecteur, permettant à ce dernier de mieux appréhender le thème central de l'intrigue. Au départ, Antoine semble être une marionnette fictionnelle pour ensuite prendre de l'épaisseur et analyser ce qu'il expérimente. La ville dans laquelle se situe l'action favorise le climat lourd exprimé par le texte. Il n'y a pas de place pour le vide. Les rues, les bâtiments "vomissent" les excès de la nature humaine et sont leur cimetière à ciel ouvert.

La Maison de jeu est un roman singulier qui pointe du doigt les failles de la nature humaine et de notre modèle de société.

A découvrir.


Ed. Rivages, avril 2023, 176 pages, 18.50€