mercredi 8 avril 2020

Les Fous de Dieu





Aux Etats-Unis la religion est reine, la foi est la loi pour beaucoup de citoyens. Les petites églises et les mouvements dits sectaires poussent comme des champignons. Au fond, pour un agnostique, le sujet reste le même : la croyance en un être supérieur qui décide de notre destinée et qui sème la zizanie dans une famille tranquille.
Pour le personnage principal, Lyle, la foi est devenue un sujet tabou depuis qu'il a enterré il y a bien longtemps son premier né encore bébé. Son épouse Peg s'est raccrochée à Dieu et continue d'y croire malgré tout. Il faut dire que ceci a été facilité par l'arrivée de Shiloh, une petite fille qu'ils ont adoptée à sa naissance et que Peg a interprétée comme un signe du destin.

Shiloh est adulte maintenant, maman d'un petit Isaac, petit-fils chéri de Peg et de Lyle. Pour la jeune femme la foi est une partie intégrante de sa vie, surtout depuis qu'elle s'est rapprochée de l'Assemblée indépendante des Coulee Lands dont le pasteur, un certain Steven, a le don d'enflammer la croyance de ceux qui l'écoutent. Alors, pour ne perdre de vue Isaac dont la perte serait vécue comme une amputation, les grands-parents acceptent de se rendre, chaque dimanche, à la messe de Steven.

"Mon église croit évidemment en la prière et au pouvoir de la prière. Prier est notre manière de nous adresser à  Dieu, de changer le monde et de soutenir les autres chrétiens. Eh oui, nous croyons que le Seigneur habite certains élus".
Nickolas Butler entre dans l'esprit de Shiloh et explique sa vision du monde. Lyle est considéré comme un suppôt du diable puisqu'il ne croit plus, Steven est un messie en devenir et Isaac a le don de guérison qu'il s'agit d'exploiter. Shiloh croit que son fils a été touché par la grâce. Il peut guérir les gens grâce à la prière. La foi guérit de tout y compris des maladies graves. Mais là où une personne sensée y voit de la négligence, un fou de dieu y voit une entrave à sa liberté individuelle si on ne laisse pas choisir comment se soigner.
"Ce n'est pas sorcier, poursuivit Shiloh. Tu es la maladie, la faiblesse. C'est à travers toi que Satan a trouvé Isaac. C'est dans cette maison qu'il est tombé malade".
Alors que Lyle se débat avec ses démons intérieurs, il cherche un moyen de retirer Isaac de ce bourbier religieux, surtout depuis que le petit a été diagnostiqué diabétique. Or, entre la foi et la raison qui aura le dernier mot ?

Inspiré d'un fait divers survenu dans le Wisconsin en 2008, Nickolas Butler a écrit un roman sur les déviances sectaires qui touchent bon nombres de petites églises isolées. Lyle est celui qui doute. Il est devenu sceptique à force de ne pas pouvoir expliquer la perte de son bébé. Avec le temps, même son ami pasteur Charlie, n'a pas su trouver les mots pour lui redonner confiance en la foi.

Avec Le Petit-fils, l'auteur a encore su trouver les mots justes pour décrire l'Amérique profonde, ses habitants et les tourments qui les touchent. Un peu comme Richard Russo, il est un écrivain du social (d'ailleurs Lyle ressemble beaucoup psychologiquement à Sully dans Un Homme presque parfait) et décrit la société américaine avec justesse en pointant du doigt toutes ses contradictions.

Encore une fois, ce quatrième roman traduit admirablement par Mireille Vignol, démontre tout le talent de Nickolas Butler


Ed. Stock, collection La Cosmopolite, septembre 2019, traduit de l'anglais 5USA) par Mireille Vignol, 350 pages, 22€



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