"Sur une vie, le bonheur avait tendance à suivre un schéma familier : les gens étaient plus heureux dans les jeunes années puis pendant leur vieillesse que pendant les décennies du milieu (...) Et c'était là que Jack et Elizabeth se trouvaient en ce moment, au fond de cette courbe, au milieu de leur vie, période qui s'illustrait beaucoup moins en réalité par les fameuses "crises de la quarantaine".Ce schéma familier, c'est la courbe en U de la vie de couple et les deux héros de ce second roman très attendu de Nathan Hill en éprouvent les aléas.
"C'est ce qui explique pourquoi ils ont déjà l'impression de déjà se connaître, pourquoi ils se sont reconnus facilement et si facilement compris : ils sont tous les deux à Chicago pour devenir orphelins".
"Sa femme et son fils devenaient d'autres gens, des gens nouveaux qui trouvaient Jack de moins en moins nécessaire.Il n'aimait pas cette famille qu'ils étaient en train de devenir ; il voulait qu'on lui rende l'ancienne ; il voulait retourner à leurs meilleures versions précédentes".
Pour mieux comprendre le fonctionnement de ce couple, Nathan Hill propose un récit construit sur des allers-retours dans le temps, insinuant par là que les comportements du présent doivent beaucoup aux expériences du passé. Chicago, d'abord ville refuge, devient un territoire sans âme où le vide, paradoxalement, remplit tout.
"Le kairos, l'expérience subjective du temps. Un moment décisif dans ta vie, un instant de vérité, un changement important, une opportunité, l'impression que la passé crève la bulle et s'invite dans le présent".
Car il est bien question dans Bien-être de vide et de néant. Ces thèmes sont chers à Nathan Hill et déjà exploités dans son premier roman Les Fantômes du vieux pays (Gallimard, 2017). Jack tente de combler le vide de la perte de sa sœur Evelyn en reproduisant à l'infini une variation de l'accident qui a causé sa perte, tandis qu'Elizabeth fournit des pilules inutiles pour soigner les maux humains.
"Réfléchis. Ton mari ne photographie rien et toi tu ne prescris rien. Ou plutôt ton mari photographie du rien et toi tu prescris du rien. Il ne met rien sur sa pellicule et toi tu ne mets rien dans tes pilules. Il pratique l'art du rien, et toi la science du rien. Vous êtes tous les deux obsédés par la même chose : le vide, le néant, l'absence".