A première vue, Maria Fabiola, Julia, Faith et la narratrice Eulabee, cultivent une amitié indéfectible, même si elle s'est forgée sur des bases fragiles. A treize ans on a la vie devant soi et tout ce qui est relatif à leur collège privée de Spragg permet d'alimenter leurs conversations.
Toutes vivent dans le même quartier de San Francisco, Sea Cliff, symptomatique d'une réussite à l'américaine mais lorsqu'on ferme la porte chaque famille à son lot de misères familiales. C'est sûrement celle d' Eulabee qui apparaît la plus équilibrée peut-être est-ce due aux origines suédoises de la maman.
Dompter les vagues aurait pu être un roman d'apprentissage lisse et terne mais un élément déclencheur va basculer - au moins pendant un temps - le récit vers le roman policier. Maria Fabiola disparaît quelques jours pour ensuite réapparaître en servant une histoire abracadabrantesque. Pour Eulabee, c'est la goutte d'eau car cela fait quelques mois déjà qu'elle est ostracisée par ses amies sous prétexte qu'elle a remis en cause les propos de Maria Fabiola qui s'était indignée d'un fait choquant qui n'a jamais exister. Dans les années 80, les réseaux sociaux n'existent pas encore mais le bouche à oreille fonctionne à merveille. Eulabee est isolée, incapable de prouver que son amie est une mythomane capable de tout pour accaparer l'attention.
"Elle dit que vous étiez toutes façonnées pour être des copies conformes. Elle dit que sa seule façon de s'en sortir, c'était d'être extraordinaire".
Vendela Vida décortique le fonctionnement de cette micro-société bonne sous tout rapport et qui pourtant protège des secrets inquiétants, prête à exclure un membre de son groupe pour éviter la vérité.
La narration qui donne la parole à un personnage adolescent ne sombre jamais dans le too much. Eulabee est mûre, prend du recul sur les événements et assume ses choix.
Le dernier tiers du roman, consacré en forme d'épilogue à une situation trente cinq ans après, permet de mieux fixer ce qui s'est joué dans le groupe auparavant et surtout démontre que la mythomanie survit aux années quand elle n'est pas pointée du doigt.
Dompter les vagues est un roman sur la fin de l'innocence qui se lit rapidement grâce à un style fluide et des chapitres courts.
Bonne découverte.
Ed. Albin Michel, Collection Terres d'Amérique, mai 2024, traduit de l'anglais (USA) par Marguerite Capelle, 304 pages, 21.90€
Titre original : We run the tides