"Il éteignit les phares et il n'y eut plus personne, abolis qu'ils étaient dans la soudaine obscurité".
Il ne se croyait pas meurtrier et pourtant il va commettre l'irréparable et abandonner sa victime, laissant le temps faire le reste.
"Une profonde et inébranlable certitude de la présence du mal, la conviction qui lui faudrait au minimum défendre son bien contre l'homme qui avait déjà pris place à son volant".
"C'est ainsi que le vieil homme s'en souvenait car il était l'amant des orages".
Il est connu pour être le gardien du verger, car il ramasse les pêches tombées au sol et il bouge sans faire de bruit, se fondant dans la nature.
"Ses pieds le devançaient, désincarnés, plus du tout familiers, flottant à travers les bandes d'ombre (...) Il n'y avait pas d'autre bruit que le contrepoint des grillons".
Un jour, la police s'en mêle, le corps est découvert et le vieil homme sent se refermer sur lui "le cercle des années (...) l'arc ultime de la courbe le ramener à l'origine".
"Il n'y avait rien. Le mort s'était levé et était parti aucun revenant n'était venu ici pour pleurer sur la dépouille sans sépulture. Il y avait un petit carré de lumière qui glissait de biais sur le mur devant lui et il distinguait sur le ciment les taches de mousse et de moisissure pareil aux continents sur les cartes d'atlas anciens".
Dans Le Gardien du verger, "on ne [cherche] plus à savoir ce qui a vraiment eu lieu et ce qui n'[est] que rêvé". On a vite l'impression de se trouver dans une bulle où le temps humain n'a pas de prise sur la nature. C'est elle qui décide et agit sur les actions humaines, car les Hommes ne sont que de passage.
"De ces gens rien ne demeure, aucun avatar, aucun descendant, aucun vestige. Sur les lèvres de l'étrange race qui habite ici désormais leurs noms sont mythe, légende, poussière".
Oui, tout est là. Dès le premier roman Cormac McCarthy impose sa vision du monde à la fois magnifique et crépusculaire, que même la violence des hommes ne peut ternir.
"Une ultime désolation semblait se préparer, comme si après le dernier hiver terrestre une lame d'eau remontait lentement du tréfonds de l'univers".