"Tu t'es jetée et je hurle"
C'est ainsi que commence le roman de David Le Bailly, enquête familiale sur l'histoire de la grand-mère adorée qui s'est jetée d'une fenêtre sous les yeux de son petit-fils.
Le narrateur rembobine sa vie et celle de sa mère, personnage haï à cause de son comportement et de sa folie, ainsi que celle de sa grand-mère au doux nom de de nymphe de la mer en grec ancien Pia Nerina.
"Maman et nous menons des vies rigoureusement parallèles".
Pia Nerina était le mur contre l'adversité, la bouée de sauvetage auquel le narrateur pouvait s'agripper.
"Nous vivions ensemble, inséparables, et ton passé, parce qu'il n'empiétait pas sur nos sentiments, ne me dérangeait pas".
Elle a su le protéger dans cet appartement du huitième arrondissement, devenu le lieu d'un huis clos infernal où on chuchotait pour ne pas attirer les foudres de la mère.
Après le décès de sa mère, le narrateur vide les pièces de son enfance et retrouve des centaines de clichés, des lettres et des missives qui en disent un peu plus sur l'origine de la richesse de sa grand-mère.
"Toi, tu as eu de la chance, tu avais Pyrrhus".
Disait souvent la fille. Qui était cet homme trapu, espagnol, qui lui a laissé une belle somme d'argent ainsi qu'un appartement valant une fortune ? Pia Nerina est partie de rien. Elle a fui Naples et sa famille pour la région de Nice puis Paris. Elle a vécu dans des meublés ou des hôtels, elle la fille du propriétaire de l'Hôtel de la folie, établissement familial à Naples.
"Dans la mythologie familiale, l'Hôtel de la Folie est le paradis perdu des de Cecchi. Il fut surtout leur tombeau".
"De ta vie et de celle de maman, je retiens ceci : en dépit des espoirs, des illusions, des prières, la folie est irrémédiable".
"Sa vie sentimentale fut jalonnée de fixations adolescentes, pour des hommes qu'elle ne connaissaient pas, des hommes qui ne la regardaient pas. Maman se conduisait comme une groupie, phénomène banal à dix-huit ans, effrayant à quarante. Elle s'inventait des histoires, des romances. Elle ne rêvait pas d'amour mais de gloire, de prestige".
"La vie tournait autour de l'appartement, de ce pâté de maisons où se succédaient le Plaza-Athénée, le bijoutier Harry Winston, le restaurant Le Stresa, de ce bunker où jamais l'on n'entendait le rire d'un enfant, seulement le vrombissement des Porsche, des Ferrari, des Maserati venues se garer dans la contre-allée de l'avenue Montaigne".