De tous les recueils de nouvelles du maître japonais, c'est certainement celui-ci qui, à mes yeux, reste le plus énigmatique. Lu une première fois il y a dix ans, je me souviens seulement avoir été incapable d'écrire quelque chose.
"Les saules aveugles sont plein d'un pollen très puissant. De toutes petites mouches chargées de ce pollen s'introduisent dans les oreilles de la femme et la font dormir".
"Parfois je me dis que le cœur des gens est comme un puits très profond. Personne n'en connaît le fond. Ce que tu peux en imaginer, c'est seulement d'après ce qui flotte à la surface". (L'avion)
Le Petit Grèbe incarne à elle seule la dimension fantastique du recueil. Un homme se rend à un entretien pour un emploi et se retrouve devant une porte étrange.
"Mû par l'inquiétude, je m'apprêtais à faire un pas en avant pour frapper une troisième fois quand la porte s'ouvrit silencieusement. C'est comme si un vent venu d'ailleurs avait soufflé pour l'ouvrir tout à fait naturellement ; une porte, pour s'ouvrir, n'a strictement rien à faire avec la nature, bien entendu.".
Lire une nouvelle de Murakami c'est ouvrir une porte vers l'inconnu. C'est un voyage à la Baudelaire. L'imagination nous joue des tours, nous amène vers des sentiers inexplorés. "Possible que mon imagination ait embelli les choses" se demande le narrateur de La Luciole.
Comme l'héroïne de La Baie de Hanalei qui revient chaque année sur lieux où son fils a été mordu et tué par un requin, on se rend compte, à la lecture de ces textes, que le temps, l'espace et le vide sont autant d'occurrences du recueil. Ils ont cela de particulier qu'ils sont éphémères. Alors comme la mère éplorée, il faut fermer les yeux et apprécier.
"Moi, je fermai les yeux, je m'abandonnai encore une fois dans le courant du temps, lui permettant de s'effriter en pure perte".