Cela fait deux trilogies que Le Minot Tiers promène le lecteur dans une fiction sans cesse renouvelée, inspirée de Proust, de Jules Verne et de la géographie, en mettant en scène des personnages récurrents incarnés par un couple d'humains : le narrateur et sa compagne Vanessa, et un couple d'animaux : le chat métaleptique Axel et le labrador diégétique Jupiter.
Au gré de sa prose et de son récit, l'auteur a su me promener vers des fausses pistes de compréhension, tout en le parsemant ça et là de souvenirs réels incrustés dans des moments entièrement fictionnels.
Plus d'une fois je me suis sentie perdue, bête par moment, incapable de saisir la substantifique moelle de l'ensemble. Mais je me suis accrochée, certaine de tenir entre les mains une manière originale d'appréhender la littérature dans ce qu'elle a parfois de théorique et étudiée en classe prépa. Pourtant, l'auteur est géographe de formation, saisissant d'ailleurs des points communs entre les deux matières.
J'ai eu raison car les dernières pages de ce roman de la seconde trilogie livre les clés de ce qui pouvait encore rester opaque pour la lectrice que je suis.
Avant cette révélation, Le Son doré des cloches raconte que les lieux géographiques et fictionnels ont une histoire, parfois une mémoire qu'il s'agit de cultiver et de garder. Ils offrent des possibilités uniques :
"L'absurdité d'un monde dont la configuration actuelle ne correspond pas à mes attentes. Je vois des choses que les autres ignorent totalement. Voilà pourquoi, peut-être, je suis géographe et passionné de littérature. La littérature est une géographie à part, un monde parallèle où j'ai mes repères."
Justement, la mémoire, comme dans le tome 2 est de nouveau mise en avant. Selon l'auteur, elle sert "à dire, à comprendre, à expliquer le monde, un monde, son monde" tout comme la géographie. Seulement, comme nous sommes dans la fiction, elle s'intègre à une histoire qui sera forcément trompeuse.
Au détour d'un souvenir, d'une phrase, d'un ressenti, j'y ai trouvé des bribes de mon histoire personnelle. Nous avons tous notre Madeleine Proust pour toujours.
Ed. La Ligne d'erre, mars 2022, 200 pages, 13€
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* Le Minot Tiers est un pseudonyme (vous l'aurez compris) derrière lequel se cache Lionel Dupuy, universitaire et et HDR en géographie du sud de la France, qui a publié un essai – tiré de sa thèse de HDR – intitulé L’Imaginaire géographique, essai de géographie littéraire, dans lequel il s’intéresse particulièrement à Proust, Gracq et Carpentier. Enfin, il a beaucoup écrit sur l'univers littéraire de Jules Verne.