"L'enfance est restée en lui comme un fruit qui ne se détache pas de l'arbre. Dans son cas, l'arbre est devenu l'arbre lui-même. (...) Et c'est pour cela qu'Adriano écrit des vers. C'est par peur. Mon fils a peur de regarder le grand vide de sa vie".
"On appelle cela le stratagème de la montre. L'aiguille des secondes saute si souvent que personne ne remarque son mouvement. Ces noirs massacrés sont l'aiguille des secondes : personne ne les remarque, personne ne les comptabilise. Mais ce sont eux qui font le temps".
Affronter son passé personnel c'est aussi affronter le passé de son pays. Ainsi il se rend compte que son père et son frère étaient intimement liés avec des hauts gradés.
"En Afrique, il n'y a pas de distances, il n'y a que des profondeurs."
Aidé par Liana et son ami Benedito qu'il a enfin retrouvé, le poète entre de nouveau dans les heures sombres du Mozambique avec le racisme, la bêtise coloniale et les exactions nombreuses. C'est plonger dans la boue de l'Histoire pour enfin y retrouver la lumière...
Le cartographe des absences est écrit comme un long poème en prose tant Mia Couto y inscrit son sens du rythme et son amour de la langue. Le cheminement du narrateur est décrit comme une enquête prise par le temps, celui de l'annonce d'un ouragan, autre cataclysme qui vient secouer le pays. Ceux qui décidaient jadis sont devenus des ombres en proie au doute, tandis que les défunts ne restent pas impunément invisibles grâce à la fantasque Maniara.
Ce roman est aussi une fresque familiale. Le poète déterre les secrets paternels qui ont miné la vie de sa mère et de sa grand-mère. Il en a besoin lui aussi pour être enfin apaisé.
Mia Couto signe un très beau roman sur l'histoire de son pays, sans amertume, et avec beaucoup de poésie.
Ed. Métailié, collection Bibilothèque Portugaise, traduit du portugais (Mozambique) par Elizabeth Monteiro Rodriguez, août 2022, 352 pages, 22.80€