mardi 27 septembre 2022

τη γη μας (notre terre)

 

"Il savait qu'il ne reviendrait plus. C'était la dernière image d'Athènes qu'il emportait avec lui : une ville à la bouche grande ouverte qui sentait la poudre et le sang. Tout était fini. Il ne serait plus jamais grec".

Zem Sparak a été le témoin de la disparition de son pays natal, la Grèce, engloutie par un consortium ultra puissant, GoldtTex, qui soumet les pays en faillite et en fait des zones désolées.

Désormais, les gens sont parqués à Magnapole, divisée en plusieurs zones en fonction de leur pedigree, de leur argent, de leur emploi. Ils sont devenus des cilariés, des salariés et des citoyens à la fois, à la botte de GoldTex.

Là, Zem est un chien, un flic qui travaille dans les zones dites déclassées ou règne la misère. Il refuse d'oublier son passé, notamment celui où, révolté dans son pays, il rêvait à plus de libertés. Alors, à défaut d'avoir un avenir, il préfère revivre ses souvenirs d'Athènes, grâce à la technologie Okios, aussi puissante que de l'opium, qui vous replonge à la demande dans vos lointains souvenirs.

Et puis, un jour, Zem est en charge d'une enquête depuis qu'il a découvert un corps en zone 3, totalement ouvert au niveau du sternum. Trafic d'organes, d'implants, en tout cas, on lui colle une inspectrice chevronnée de la zone 2 pour mener les investigations. C'est difficile, les gens parlent peu, on est en période électorale et surtout la corruption est un fait établi même chez les puissants. Pour Zem, découvrir la vérité, lui permettra de croire encore qu'il existe une justice.


C'est un drôle de monde dystopique que nous décrit Laurent Gaudé dans lequel on trouve "une dissolution totale de l'individu dans le grand projet commun. n'être plus rien qu'un corps qui travaille". Il est le fruit du capitalisme à outrance. A défaut d'une extinction de l'être humain, on assiste à une extinction de l'individu, ses espérances et son avenir. Tout cela dans une ambiance crépusculaire où il faut se protéger des pluies acides  - seules les zones privilégiées possèdent un dôme - et des autres. Dans ce cauchemar, seul subsiste un îlot paradisiaque, témoin d'un passé glorieux , Delphes, beauté immobile du monde, dernier écho du  passé, "le gardien de ce qui ne nous appartient pas."

Et pourtant ça et là, Chien 51, fait entrevoir une lueur d'espoir, la possibilité d'un autre avenir fait de révolte et de lutte où le peuple, uni, réussira à dire non à la privatisation de tout. Sous couvert d'un roman policier, le roman met en évidence l'humanisme qui subsiste en chacun et qui fait de nous des individus et non des marchandises.


Ed. Actes Sud, août 2022, 304 pages, 22€