Alan est "au bout de sa vie" depuis que sa chère et tendre a osé le quitter, lui, l'écrivain confidentiel, pour un type spécialiste de Ronsard. Depuis, il a décidé de prendre à la lettre une des dernières réflexions de Lisa qui l'invitait à écrire enfin un roman sérieux. De toute façon il a du temps libre, la solitude de la rupture le guette et la seule contrainte du moment est de s'occuper de la piscine de ses voisins partis en vacances au soleil.
"Je jette un œil à leur immense terrasse faite de dalles jaunes lumineuses sur laquelle, à l'ombre d'un store orangé, trône une table en bois massive, et je m'imagine aussitôt venir m'installer là tous les jours pour y écrire mon roman".
Ecrire un roman sérieux demande... un sujet sérieux ! Alan se voit déjà écrire un livre sur l'histoire de ses grands-parents émigrés espagnols dont le titre serait Sol y sangre (tout un programme !). Pour cela, il doit s'astreindre à une discipline de samouraï et engranger environ dix mille signes par jour pour être sûr d'offrir à son éditrice un bon gros pavé et l'admiration de son ex.
"Avec ce roman, il est simplement question de susciter chez elle une admiration qui, durant ces longs mois, lui a fait défaut, et tant pis si c'est trop tard".
Bizarre, son éditrice ne répond pas à ses mails. En même temps, Alan hésite, ne sait plus très bien si le roman familial est une bonne idée. Il procrastine, se laisse vivre et puis un problème commence à le perturber : l'eau de la piscine verdit tandis que des notonectes prolifèrent ainsi que des grenouilles. Comment le résoudre ?
"La seule piscine du quartier - voire peut-être du département - qui a verdi est celle dont je suis censé m'occuper. Je dois posséder un fluide négatif".
Fabrice Caro a l'art et la manière de "scotcher " le lecteur à son roman. La technique est simple : des chapitres courts et à chaque fois une chute drôle ou douce amère. Parfois on s'y retrouve dans les réflexions de son narrateur, écrivain incompris et quadra rempli de questions sur le sens de sa vie. On se sent proche d'Alan, on veut le porter à bout de bras ou boire un verre avec lui histoire de lui remonter le moral et lui assurer qu'il n'est pas seul. On veut lui dire que finalement, si on y regarde bien, toutes les vies sont absurdes mais qu'il faut quand même s'accrocher et avancer.
Malgré tout Samouraï est un roman qui fait du bien ; il est l'antithèse du roman sérieux que le héros aimerait tant écrire et qu'il n'arrive pas à commencer et la preuve que la littérature peut parler de tout.
Ed. Gallimard, collection SYGNE, 224 pages, 18€