"Je commençais à comprendre qu'une autre nuit nous attendait, plus noire et insidieuse que toutes celles que nous avions connues".
C'est ce que se dit Elias Torres lors du grand enfermement, cloîtré chez lui, et témoin impuissant du dérèglement climatique en marche. A Toulouse, il fait plus chaud que d'habitude et souvent, les rayons du soleil laissent la place à une franche averse, violente, déferlante, même pas suffisante pour rassurer que le climat se remet sur les rails.
Elias travaille à temps partiel dans une librairie de quartier, mais il est surtout un écrivain publié mais pas encore reconnu pour son œuvre. Il met ça sur le compte de son capitale narratif qui l'empêche d'attirer un grand nombre de lecteurs.
"Les hasards de ma biographie ne m'avaient pas permis d'accumuler assez de capital narratif. Je n'avais pas de grand malheur social ou de grand malheur psychique à faire valoir".
Pour passer le temps de la solitude du confinement il décide de se plonger dans de vieilles archives historiques dont il espère y tirer le futur sujet de son prochain roman.
Il trouve une période particulièrement étrange entre 535-536 que les historiens de l'époque considèrent comme "la pire période de l'histoire de l'humanité".
"Un brouillard a obscurci le ciel et masqué le soleil pendant un an et demi. le soleil brillait au mieux, quatre heures par jour même au plus fort de l'été".
Eclairé par les connaissances de son ami et voisin le poète Igor Mumsen, Elias comprend que cette catastrophe n'était pas seulement due à un phénomène climatique mais à un ensemble dans lequel les Hommes avaient une grosse part de responsabilités, un peu comme aujourd'hui en somme, pense-t-il.
"L'humanité prenait trop de place. Elle ne savait pas ses satisfaire de peu, et elle ravageait le monde".
Sa fille Maud l'a bien compris et ne compte pas rester sans rien faire. Elle est à un âge où l'avenir est devant soi, où on prend les grandes causes à bras le corps sans le recul de l'expérience.
"Tout le confort moderne continuait de nous être assuré, car le cauchemar ne répond pas à ce que notre peur anticipe : c'est dans notre dos qu'il surgit, ou devant nous à l'improviste".
Elias et son épouse Camille comprennent bien qu'il est temps de revoir les habitudes, encore faut-il en avoir les moyens. Camille reste dans l'Aveyron pour faire le point, tandis que son compagnon cherche à comprendre comment notre société en a pu arriver là. Sa fille est hospitalisée après des brutalités policières. La face du monde est en train de changer et ses certitudes familiales vacillent.
"La crise climatique du sixième siècle, avec ses température estivales plus froides de deux degrés, son alternance brutale de pluies diluviennes et de sécheresses, à changé la face du monde".
Sa famille a survécu au grand enfermement mais résistera-t-elle à ce qui s'annonce ?
Les Années sans soleil fait remonter nos angoisses existentielles et nous rappellent vaguement une certaine période de 2020. Quand le quotidien vacille et que nos certitudes sont battues en brèche, la littérature devient un refuge. Elias y croit dur comme fer mais il est toujours rattrapé par le présent, ce foutu présent rempli de douleurs, d'incompréhension et de dérèglements.
Vincent Message lancent des alertes, ouvrent les yeux à nous lecteurs qui nous réfugions dans le déni par pur réflexe. L'Humanité n'est pas à son coups d'essai, le dérèglement climatique non plus, mais à chaque fois la violence, la douleurs et les maladies sont présentes. Et s'il n'était pas trop tard d'anticiper pour changer et éviter le pire ?
Elias est un homme et un écrivain inquiet, pour lui, pour les siens, pour ses semblables, pour l'humanité. A force de vouloir comprendre, il va se heurter à une question essentielle : finalement n'est-il pas trop tard ?
Ed. Seuil, janvier 2022, 156 pages, 19€