vendredi 14 janvier 2022

De retour, enfin



"Comment est-ce qu'on mène une bonne vie"?
se demande Jack, prof d'histoire à la retraite et veuf depuis peu. Un matin, alors qu'il contemple la baie de Crosby, il s'effondre et ne doit la vie sauve qu'à l'intervention d'Olive Kitteridge qui passait par là.

Olive, elle, est veuve depuis longtemps. Elle est même grand-mère mais ne connaît pas son petit-fils. Son quotidien est une tentative sans cesse renouvelée d'apprivoiser la solitude. Avec la vieillesse arrivent les questions fondamentales. Alors que jadis, elle les aurait balayées d'un revers de la main, elle s'y accroche désormais, persuadée que les réponses lui permettront de faire le bilan de sa vie.

Olive et Jack se revoient, s'apprivoisent. Alors qu'il croyait sa vie fanée, il se retrouve marié avec une femme dont il n'aurait jamais cru un jour ressentir des sentiments amoureux, tandis qu'Olive vend la maison dans laquelle elle fut jadis heureuse avec Henry.
"Jamais il n'aurait pensé qu'il passerait les dernières années de sa vie avec cette femme-là, de cette façon-là.
Avec elle, il pouvait être lui-même".

Leurs cauchemars nocturnes ne cessent pas mais au moins ils sont désormais deux à les affronter. Le couple est d'accord pour admettre que "Les gosses c'est une aiguille plantée dans le cœur" et que s'ils sont aussi distants maintenant c'est qu'ils n'ont peut-être pas été les bons parents qu'ils ont cru être.
"Je n'ai pas la moindre idée de qui j'ai été. Réellement. Je ne comprends rien à tout ça".

S'interroger, c'est faire un pas vers la compréhension et l'acceptation de ce qu'on est réellement. Olive l'a bien compris et ne s'étonne plus que les habitants de Crosby s'épanchent sur leur vie quand ils la croisent. Comme dans le premier roman, Elizabeth Strout construit son fil narratif comme un recueil de nouvelles qui toutes cheminent vers un seul et même personnage. Grâce à ces rencontres ou parfois ces retrouvailles, Olive a "l'impression de n'avoir jamais compris jusque-là comme l'expérience humaine peut-être diverse". L'influence de Jack y contribue aussi beaucoup et son second époux la guide avec sérénité vers la vieillesse.

On avait quitté Olive Kitteridge en 2009, prof de maths à la retraite bourrue, sujette aux colères mais avec un cœur d'or. On la retrouve enfin, veuve et grand-mère, qui renoue avec le mariage sans pour autant oublier son cher Henry.
Olive fait partie du paysage de la ville imaginaire de Crosby dans le Maine et le lecteur aimerait y arpenter les rues pour la croiser et tenter de nouer le dialogue. Car Olive est un personnage qu'on n'oublie pas. Ceux qui ont croisé son chemin, élèves, voisins ou connaissances, ont une anecdote marquante à raconter à son sujet. Pourtant, Olive, au fond d'elle, reste une femme seule qui a terriblement peur de la solitude, au point de coller à son oreille sa petite radio pour ne pas subir le silence de sa grande maison.

Aux côtés d'Olive, le quotidien se transforme, s'épaissit et ajoute de la dimension aux relations familiales. La question fondamentale reste Qui suis-je ? et il s'avère que la vie n'est pas assez longue pour répondre à la question.

Prix Pulitzer 2009

Ed. Fayard, août 2021, traduit de l'anglais (USA) par Pierre Brévignon, 368 pages, 22€

Titre original : Olive, again