Quand Dix Steele arpente les rues de Los Angeles la nuit, la brume le protège et le cache. Il est un inconnu, nouveau venu sur la Côte Pacifique pour oublier un amour malheureux et lutter contre la haine qui l'étreint.
Ancien pilote de la RAF, Dix a choisi d'être un dilettante depuis qu'il habite la ville des anges. Son ami Mel lui a prêté son appartement et sa voiture. Ses journées sont ponctuées de promenades et de réflexions sur les moyens de devenir riche rapidement sans travailler. Il a bien repéré la rousse plantureuse qui habite de l'autre côté du patio, véritable femme fatale, mais elle semble l'ignorer complètement.
Dans le journal qu'il reçoit deux fois par jour, il repère les articles consacrés à l'étrangleur. Ce dernier sème la terreur depuis quelques temps en étranglant des jeunes femmes rencontrées par hasard. C'est son vieil ami Brub Nicolai qui est chargé de l'enquête. Ces crimes le passionnent et sous couvert d'un roman policier qu'il est en train d'écrire, Dix réussit à obtenir des informations sur l'enquête.
Les femmes et Dix, c'est une longue histoire. Depuis ses amours malheureuses avec une certaine Brucie, il se méfie de la gente féminine au point de nourrir envers elles une haine tout en étant incapable de rester célibataire.
"En tout cas, c'est comme ça que Dix les voit. 'Elles étaient toutes pareilles, des tricheuses, des menteuses, des putains', se persuade-t-il. 'Même les pieuses ne faisaient que guetter l'occasion de tricher, de mentir et de se prostituer' ".Quand sa voisine Laurel pose le regard sur lui, il se persuade qu'elle est le pendant féminin de son caractère. Elle devient le doux poison. Elle est la drogue pour laquelle il devient accroc.
"Il est révélateur que la femme que Dix présente systématiquement comme une femme fatale soit aussi la personne à laquelle il s'identifie le plus. 'Je vous connaissais avant même de vous voir'. (...) Ce qui semble logique, étant donné que Dix est le véritable métamorphe, le véritable imposteur, la combinaison fatale de sexe et de mort".Conscient qu'"il est l'auteur de sa propre ruine", Dix est de moins en moins protégé par le brouillard derrière lequel il se cache. Sylvia, l'épouse de Brub a percé le mystère de sa personnalité, il en est persuadé. Sa relation avec Laurel est vouée à l'échec, mais il s'accroche car elle lui permet d'oublier sa haine des femmes et les frasques de l'étrangleur.
"Disséminés par le vent en travers de son visage, ses cheveux ressemblaient à des filets de brume. Elle leva le menton et, pour la première fois, à la lumière de l'océan et des étoiles, il découvrit la couleur de ses yeux. Celle du crépuscule et de la brume s'élevant de la mer, parsemée de poussières d'étoiles ambrées".Vivre l'instant présent, arrêter de faire des plans sur la comète qui ne se réaliseront pas, tenter de ne plus compter sur l'argent de l'oncle Fergus...
"Que le bonheur aille se faire voir. Ce qui comptait, c'étaient l'excitation, le pouvoir, le désir brûlant. C'étaient qui vous faisaient oublier". A côté d'eux, le bonheur n'était qu'un chamallow rose".Les projets de Dix sont nombreux et envahissent son esprit au point que ce dernier, moins aiguisé que de coutume, ne comprend pas que l'étau se referme.
"Rien qu'un petit doute, comme si une brume s'infiltrait dans son esprit. Il pouvait, au début, la chasser. Mais elle réapparut, plus épaisse encore, s'insinua dans les replis de son cerveau, étouffa sa raison".Un Homme dans la brume est un roman noir écrit après la guerre, à l'heure où le genre apparaissait. Entièrement tournée sur la personnalité de son personnage principal, Dorothy B. Hughes en fait un homme fatal, miroir de l'image que l'on se fait de son pendant féminin. Justement, le problème de Dix ce sont les femmes qui se persuade-t-il l'ont empêché de devenir quelqu'un...
Dans les rues de Los Angeles, il n'est pas bon de croiser le regard de l'étrangleur.
Ed. Rivages, Collection Rivages Noir, mai 2019 (réédition), traduit de l'anglais (USA) par Simon Baril, 395 pages, 9.80€
Titre original : In a Lonely Place