L'amour n'a pas de frontières... C'est sûrement ce qu'ont pensé les deux cent mille jeunes femmes parties en Amérique rejoindre leurs amoureux rencontrés en Europe à partir de mai 1944.
Des Etats-Unis, Julien ne connaît rien, hormis les poncifs en tout genre sur le pays et les habitants, les mêmes rumeurs éculées qui peuvent courir sur nous, français, chez les étrangers. Son premier séjour là bas va se faire dans l'Amérique profonde, dans le Michigan, au cœur de la Rust Belt touchée de plein fouet par la crise des subprimes. Son épouse est originaire de là-bas, elle y a même une grand tante Odette, une française. Julien se demande comment son aïeule a-t-elle bien pu quitter vouloir la France.
Retour en juin 1944. Odette est une jeune femme pétillante, serveuse au Café de L'Est en face de la gare. Depuis le débarquement , beaucoup de GI y viennent et parmi eux, John, surtout pour les beaux yeux d'Odette. D'abord réticente, elle se laisse charmer et pendant six mois les deux tourtereaux se voient entre les missions en Allemagne du jeune homme. Cette relation n'est pas au goût du frère, Justin, qui a peur de voir sa sœur abandonnée au dernier moment. Quant aux parents, ils ne sont pas contre le mariage si John se résout à faire sa vie en France...
Détroit, de nos jours. Le séjour du jeune couple dans la famille américaine permet à Julien de se rendre compte que la vie quotidienne n'est pas aussi rose qu'en France. Très peu de congés payés, la nécessité d'avoir un second travail pour garder la tête hors de l'eau, et Détroit, autre fois fleuron de l'industrie, qui part en ruine. Odette, qui a désormais quatre-vint sept ans est restée par amour, loin des siens qu'elle n'a revus que dans les années 1970, après avoir élevé quatre enfants. Elle a passé outre les recommandations de ses parents et a décidé d'embarquer à bord du Vulcania avec huit cents autres War Brides. Là, pendant une dizaine de jours, des hôtesses de l'armée américaine leur ont appris les rudiments pour devenir "une bonne épouse américaine".
Tout en pudeur et avec humour, Julien Frey raconte l'histoire d'une jeune fille amoureuse qui a tout quittée pour suivre l'homme de sa vie. Malgré ce qu'on peut croire, le fossé sociétal entre les deux pays est immense. Malgré les décennies passées, le voyage de Julien montre que ce fossé ne se comble pas. Presque chauvin, on peut se dire qu'il est bon de vivre en France grâce à nos acquis sociaux. Le voyage d'Odette sur le Vulcania rend concret ce mode de vie radicalement différent du nôtre. Et puis, elle est partie au moment où la France sortait de la guerre.
Ferme les yeux. Ecoute le Michigan, Odette.Les dessins soignés et harmonieux, aux couleurs volontairement passées dans les tons orange, bleus, gris et blancs, donnent une touche vintage aux planches. Les décors urbains sont bien rendus, et les personnages sont très expressifs.
Michigan est une BD réussie, souvent drôle, qui éclaire le lecteur sur une page de notre Histoire.
Ed. Dargaud, avril 2017, 148 pages, 20€