La littérature inspire. Elle est une passerelle, un fil d'Ariane...
Depuis un certain 14 octobre, les chiens de Mapleton sont redevenus sauvages. Ils hantent le bois alentours en meutes, et s’approchent rarement de ceux qui furent jadis leurs meilleurs amis. Beaucoup pensent que c'est le Ravissement qui les a rendus dingues, car ils ont vu ce que les êtres humains n'ont pas eu le temps de voir. Ont-il senti la disparition inexplicable des 2 % de la population ? Ont-ils aperçu un détail, une lumière, ont-il senti un léger souffle effleurer leur truffe ? Maintenant, devenus un danger potentiel, ces chiens sont des cibles de choix pour les chasseurs locaux, mais restent une énigme pour le chef de la police locale Kevin Garvey.
Kevin Garvey n'a perdu aucun des siens ce fameux 14 octobre, mais cela n'a pas empêché sa famille de se déliter. Son épouse Laurie a rejoint les CS (Coupables Survivants), son fils Tom est le protecteur d'une des épouses de Saint Wayne, et sa fille Jill gère à sa façon l'absence de ceux qu'elle aime. Comme tout le monde, il n'a aucune explication au phénomène d'évanouissement, seulement il a décidé de ne plus y penser, de faire avec. C'est arrivé, point final. Pas facile lorsqu'on gère une ville comme Mapleton dont les habitants en général, et les CS en particulier vous empêche d'oublier.
Et puis, comment expliquer ses trous de mémoire de plus en plus nombreux ? Il s'endort dans son lit, se réveille dans sa voiture, ou dans une cabane perdue. Il croise un mystérieux chasseur et va tuer avec lui quelques chiens... Est-il en train de devenir fou comme son père, ancien chef de la police locale, et interné depuis trois ans, assailli jour et nuit par des voix toujours plus nombreuses ?
Les disparus de Mapleton (Editions 10/18 janvier 2015) n'est pas un bon titre, car il fait la part belle
aux disparus, laissant planer le doute quant à une enquête éventuelle sur les causes du Ravissement. Le titre original est beaucoup plus parlant. Car Tom Perrotta, et la série éponyme le confirme, s'est intéressé davantage à ceux qui restent. Les disparus ne sont plus là ; on ne sait rien, seulement qu'ils ont laissé derrière eux des gens qui doivent non seulement gérer leur absence au quotidien, mais aussi le traumatisme de l'évanouissement inexpliqué.
Dans la série produite par HBO, la question religieuse est prégnante. Elle est à la fois un recours, une forme de rejet, et la base de nombreux abus. Rien de neuf à l'horizon donc, mais le côté sociétal est mis en avant. La nature humaine a besoin de s'accrocher à une explication, quelle qu'elle soit, pourvu qu'elle apaise quelque temps les esprits.
La saison 1 a une structure théâtrale: unité de temps (trois ans après), unité de lieu (la ville de Mapleton), unité d'action (Kevin Garvey) à laquelle on a ajouté des personnages secondaires fort tels Nora Durst et son frère le révérend, Jill, la fille Garvey, ou encore Patty et Laurie, membres des CS.
"There is no family" martèlent en silence les CS qui hantent les rues de Mapleton et obligent ceux qui restent à se souvenir et donc les empêchent à tourner la page. Peu à peu, on comprend mieux la genèse de cette congrégation, son fonctionnement et son objectif ultime. Elle est la colonne vertébrale de la saison 1, pratiquement présente dans chaque épisode, et possédant quelques clés de compréhension globale de la situation.
Les personnages sont perdus, ensemble, ce qui nous vaut quelques instants de grâce, de moments suspendus dans lesquels sont mis en avant leur foi inébranlable en la vie, malgré le reste.
La première saison se suffit à elle-même et garde l'inspiration première du roman. Une boucle est bouclée. On ne peut-être pas encore parler d'un retour à la normalité, mais on y avance furieusement, pour preuve le retour du grand chien noir que Kevin voulait domestiquer... en vain.
Pour la saison 2, l'action se déplace vers Jarden, ville imaginaire du Texas, surnommé Miracle depuis le 14 octobre car aucun de ses habitants ne s'est évaporé. Parce qu'ils veulent se reconstruire et avancer, Kevin, Nora et son frère s'y installent. Dès le début, les scénaristes ont gardé l'esprit du roman de Perrotta, et ont inventé ce qui aurait pu devenir un tome 2 littéraire.
Affaire à suivre...