Idée fixe.
"Le fauteuil roulant a deux avantages: le premier, c'est qu'on est assuré d'avoir une place assise dans les salles pleines de ciné; le second, c'est qu'on ne se fatigue pas trop dans les descentes."
Depuis son accident de voiture qui lui a coûté ses jambes, Théo est très cynique, et supporte mal l'image qu'il croit renvoyer, une moitié d'homme coincée dans un fauteuil. De fait, il a décidé de ne pas aimer, puisque de toute façon, les filles auront davantage pitié de lui...
"En amour, il ne vaut mieux pas être gentil. La gentillesse n'est pas sexy. Les filles adorent les écorchés, les durs qui se révèlent tendres dans l'intimité."
Pétri de fausses idées et de préjugés sur la question, Théo est devenu limite acariâtre malgré son jeune âge, et se réfugie dans le travail pour oublier qu'il ne peut marcher. C'est donc sans arrière pensée qu'il accepte d'accompagner au dernier moment son ami Simon à une soirée.
"Je ne suis pas tombé amoureux d'elle dès que je l'ai vue. Non, j'en suis tombé amoureux dès qu'elle a posé les yeux sur moi. Le regard de l'autre est toujours un miroir qui renvoie à soi un reflet qui ne trompe pas."
Elle s'appelle Sofia, elle est étudiante russe, et elle réussit à réconcilier Théo avec son handicap, jusqu'à ce que ce dernier soit pris d'une obsession: l'embrasser debout, comme les hommes valides le font.
"C'était dingue comment Sofia était obligée de se pencher pour m'embrasser. On aurait dit qu'elle embrasser son petit frère. Ça donnait d'un seul coup à notre couple un côté incestueux qui me dérangeait. Il fallait vraiment que je sois à sa hauteur."
Être à la hauteur, au sens propre et au sens figuré. Car Sofia n'en aura-t-elle pas marre un jour de partager la vie d'un invalide? Théo est égoïste dans son raisonnement buté, il oublie de demander ce qu'en pense sa dulcinée. Et à force de multiplier les expériences pour vouloir être debout, il en devient ridicule, et met son couple en danger.
Sofia regarde Théo avec les yeux de l'amour et ce dernier n'est pas prêt car il renvoie dans les bottes toutes ses fausses illusions sur le sujet. Sofia est un miroir qui renvoie un beau reflet du jeune homme, mais il n'est pas prêt de l'accepter. D'où la question lancinante que se pose le lecteur: Théo aurait-il été capable d'aimer une jeune femme invalide si lui avait été valide?
Mathieu Robin signe là un roman court mais extrêmement dense au contenu pour toutes les idées et les a priori qu'il renvoie. Pensée assise est au départ un court métrage au titre éponyme. En 2015, il a signé un second roman, ses griffes et ses crocs.