Ed. Allary, janvier 2014, 173 pages, 16.9 euros
Qui choisir?
Le narrateur est un
cinquantenaire, bien installé professionnellement, qui partage sa vie
entre Paris où il travaille, et
Marseille, où il vit avec sa femme, sa fille, et son père malade .
Et pourtant rien ne va plus. En effet, au matin de s'envoler
fêter Noël en famille à New York, il ressent le besoin impérieux de faire le
point dans sa vie affective, car cette dernière est loin d'être de tout
repos . Alors qu'il aime encore son épouse (dont il ne dévoilera jamais le
prénom), il a une liaison avec Alix depuis environ un an, dont la particularité
est qu'il pourrait être son père.
La beauté, la jeunesse, l'indépendance d'Alix l'obsèdent, au
point que même le week end lorsqu'il est chez lui, il ne peut s'empêcher de
penser à elle. Il en vient même à vouloir entrer dans ses pensées, et chercher
à deviner et anticiper ses réactions.
Sauf que le temps passe et il est incapable non seulement de
continuer à mener cette double vie, mais aussi faire un choix : sa femme
ou sa maîtresse ?
« Nos séparations sont de plus en plus difficiles
comme si on répétait la vraie, le chagrin s'invite et je n'aime pas ce mot car
il est plein de morve. »
Le lecteur se retrouve donc dans la tête de cet homme torturé
par ses deux amours, incapable de prendre une décision :
« Je fais l'amour avec Alix. Je fais l'amour avec ma
femme. Je ne sais plus qui je trompe avec qui. »
Dans son atermoiement amoureux, il tente de peser le pour et
le contre, et se projeter dans l'avenir. En effet, Alix restera-t-elle à ses
côtés lorsqu'il sera vieillissant ? S'il la choisit, sera-t-elle confiante
pendant ses absences ?
Et pourtant, son épouse ne mérite pas cette trahison ;
il ne supporte plus sa vie cloisonnée :
« J'aime ma femme et je cloisonne : il y a Paris
et Marseille, mon travail et ma famille (…) J'aime ma femme et Alix me
manque. »
Mais surtout sa maîtresse lui offre une impression
d'exotisme : elle réinvente son quotidien, le met en lumière, le rend
attractif car, justement, ils ne forment pas un couple dans le sens noble du
terme :
« J'aime le quotidien parce que, dans notre cas, le
quotidien c'est exotique. Nous ne sommes pas un couple. »
Loin des clichés qu'on peut avoir sur une telle situation,
Diane Brasseur invente un personnage pris entre le marteau et l'enclume,
conscient des enjeux, et du mal qu'il risque de provoquer aux personnes qu'il
aime. Avec le recul, lui-même ne sait pas pourquoi il a pris une maîtresse, car
il se sent heureux dans sa vie de couple. Dès lors, les spectres de la
solitude, de la vieillesse et de l'absence ne son jamais bien loin. Le temps
qui passe est un thème essentiel du roman,mais aussi l'estime de soi. Depuis
qu'il la trompe, le narrateur « est devenu l'adversaire » de
sa femme alors qu'elle ne se doute de rien. Depuis qu'il vit la semaine
avec Alix, la culpabilité est
grandissante.
Il faut choisir pour ne plus souffrir et se déculpabiliser,
mais qui ? C'est tout l'enjeu de ce très bon roman à découvrir.