jeudi 20 février 2014

Zone B, Marie Hermanson



Ed. Actes Sud, Collection Actes Noirs, janvier 2014,  388 pages, 23 euros
  

Un agneau parmi les loups.


Daniel et Max sont frères jumeaux. Séparés très tôt par les parents, ils ont grandi et développé une personnalité tout à fait différente. Autant Daniel est un homme doux, introverti, divorcé et traducteur de profession, autant Max a un "comportement autodestructeur", libertin, et magouilleur, si bien que sa vie ressemble a un chaos.

Ils ne se sont jamais perdus de vue, mais n'ont jamais partagé ensemble de moments privilégiés. Alors, lorsque Daniel reçoit un courrier de Max qui l'invite à lui rendre visite à la clinique de Himmelstal où il se repose, ce dernier n'hésite pas. En effet, Himmelstal, en Suisse, est "la vallée du paradis", et comme son frère lui paye le voyage, cela lui fera quelques jours de vacances avant de commencer un nouvel emploi.

Himmelstal accueille en son sein un centre, un havre de paix pour gens aisés qui veulent se reposer de la vie active ou d'un burn out. Or, lorsque Daniel arrive, ce lieu ressemble davantage à une prison dorée: les caméras, les gardiens, le couvre-feu, et les portiques de sécurité rappellent que les hôtes ne sont pas finalement si libres que cela.

"Aux yeux d'un spectateur non averti, ce n'était rien plus qu'un village ordinaire, aux maison proprettes peuplées d'habitants laborieux vaquant à leurs occupations quotidiennes."

A côté de la clinique, Max fait visiter le village, qui semble finalement complètement dépendre de la clinique. Le centre est vraiment coupé du reste du monde.  Ainsi, le résident explique à son invité les règles de vie du lieu, les lois internes à la communauté dirigée par une équipe de psychiatres chevronnés. Très vite, Max dévoile son plan: il désire quitter les lieux quelques temps afin de réunir l'argent nécessaire au paiement de son séjour à Himmelstal, mais comme il ne peut pas sortir aussi facilement, il demande à Daniel de prendre sa place durant cinq jours maximum.

Daniel accepte. Certes, quelques éléments lui semblent bien étranges, mais cela ne l'empêchera pas de passer quelques jours de repos en plus au contact de la nature.

Hélas, Max ne réapparaît pas, La clinique est en fait un lieu d'études sur les psychopathes dirigée par le professeur Fischer qui, fort de la réflexion de Nietzsche : "l'homme est une corde tendue entre la bête et le surhumain", veut créer des êtres humains dénués de tout sentiment, des marionnettes.

Daniel a beau clamé qu'il n'est pas Max, il doit trouver une autre solution pour sortir de ce lieu de tous les dangers.

Marie Hermanson propose un polar efficace construit sur l'échange d'identités. Le lieu de l'action fait froid dans le dos, et les résidents n'ayant  rien à envier au personnel soignant, ajoutent au climat angoissant du récit.

L'auteure distille le suspens à petites doses. Son héros est à multiples facettes: larmoyant, peu concerné, rebelle, pragmatique, c'est finalement sa part d'humanité qui l'emporte et l'aide dans son entreprise. Il est "un agneau parmi les loups".

Cependant, entrer dans ce roman n'est pas facile. En effet, on a une impression constante de rester à la surface des événements, comme si, dès le départ, on avait pris le parti que les personnages et les péripéties seraient trop tranchés. L'intrigue fait la part (trop) belle au manichéisme: le bon d'un coté, les méchants de l'autre, ce qui, à force, peut lasser. De ce fait, on se sent extérieur  à tout ce qui se passe, et surtout  on se sent peu concerné par ce qu'on lit.

C'est pourquoi Zone B est un roman étrange sur bien des points, clinique et froid dans son traitement du récit.