Perdue: la conviction d'être seul dans l'univers.
Elliot est un enfant solitaire, désemparé, depuis que ses parents se sont déclarés la guerre, depuis qu'il vit seule avec une mère ombre de celle qu'elle était avant la séparation.
Pour retrouver les gestes d'observation du temps de son père, le gamin décide de prendre la poudre d'escampette, la nuit, armé de sa lunette astronomique, afin de se perdre dans la contemplation de l'infini: "j'oublie le monde, il n'est que la troisième planète d'un système solaire de banlieue d'une galaxie mineure."
Mais sortir la nuit n'est pas sans danger:
"Partir la nuit quand on n'a pas encore quinze ans, que l'on a cours le lendemain et sans aucun adulte ne soit prévenu, cela se nomme une fugue."
Seulement, prévenir sa mère, cela attiserait "la guerre", prévenir son père, cela mettrait fin à son droit de visite. N'empêche, son rendez-vous ne peut attendre:
"J'ai un rendez-vous avec les étoiles pendant que ma mère dot artificiellement, pendant que mon père fait je ne sais quoi, pendant que le reste de l'humanité regarde la télévision, ouvre des pages sur Internet ou s'occupe comme il peut."
Lors d'une de ses nuits de fugue, Elliot est témoin d'un phénomène troublant: une boule lumineuse qui descend du ciel à la verticale, "changeante de couleurs", "parfois immobile", ou qui "miroite lentement à la vitesse d'un cœur qui bat." Est-ce un Ovni? Un avion militaire? Elliot décide de se rendre à Toulouse afin d'en informer le Geipan, le Groupe d'Etudes et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux non Identifiés. Or, se rendre seul, à Toulouse, sans en informer personne, c'est aussi une fugue...
Eric Pessan exploite deux thèmes chers à son univers littéraire: un enfant solitaire au sein d'une famille en éclat, et l'espace, thème déjà utilisé dans Les géocroiseurs (Editions de la Différence, 2004) et La nuit de la comète (Editions Cénomane,2009)
Pessan aime les personnages abîmés par la vie, malgré leur jeune âge, véritables victimes collatérales des conflits adultes. Il en fait des témoins oculaires et impuissants des souffrances des plus grands:
"Parfois ma mère me regarde et je ne me reflète pas dans ses yeux. Ma mère est creusée de l'intérieur."
Regarder le ciel, s'approprier les étoiles, c'est fuir le quotidien trop lourd à porter. Se rendre au Geipan à Toulouse, c'est toucher du bout des doigts la possibilité d'un ailleurs, rencontrer des gens qui croient comme Elliot à l'infini possibilité de vies. C'est enfin échanger avec un adulte enthousiaste...
Dans la narration, l'auteur fait référence à son précédent ouvrage chez le même éditeur Plus haut que les oiseaux en situant l'appartement d'Elliot et sa mère dans le même immeuble. Ainsi, les deux romans font écho.
Et si braver l'inconnu, partager son expérience, pouvait se faire finalement près de chez soi avec quelqu'un de son âge que l'on croise tous les jours?
Et les lumières dansaient dans le ciel raconte la fin des certitudes enfantines. S'inspirant de faits vraisemblables tels le divorce, la solitude, l'impression d'être incompris, le roman colle au plus près de l'univers adolescent.
A partir de 13 ans.