mardi 7 janvier 2014

Que nos vies aient l'air d'un film parfait, Carole Fives

Ed. Points Seuil, août 2013, 117 pages, 5.7 euros

A propos d'un divorce dans les années 80


Un couple sur une plage, les enfants derrière, chabadabada....STOP! Le couple en question n'existe plus, fait semblant jusqu'au jour où il trouve enfin le courage d'annoncer leur séparation à leurs deux petits:
"C'est une famille qui déjà n'en est plus une et où il n'y a plus grand chose à se dire. A moins que ce soit une famille où il y ait tellement de choses à dire que plus aucun mot n'en sorte."
Le père, le cœur rempli de larmes, n'en peut plus de subir une épouse dépressive, imprévisible, et suicidaire. Il était devenu la "béquille". Alors, au début, il obtient la garde du garçon et de la fille. Ils voient leur mère le week end et les vacances scolaires.
"A l'école familiale, j'ai perdu le fil de ma mémoire, alors j'en ai fait une fiction." L'ainée verbalise beaucoup, contrairement à son petit frère Tom, mutique sur la disparition. Un jour, la mère demande à la fille de faire pression sur le frère pour récupérer la garde du cadet. Les mots sont durs, choquants: "j'ai besoin de ton frère sinon je me fiche en l'air, tu sais ce que ça veut dire se fiche en l'air?"
Elle réussit, Tom part vivre chez sa mère, la dislocation de la famille continue...La fille a menti, trompé, persuadé, et regrette: "toute ma vie sera ce jour où j'ai bradé mon enfance."
La séparation fait de la fratrie deux étrangers, deux êtres guindés qui ont peu de choses à se raconter lorsqu'ils se voient. Tom ne raconte pas son quotidien entre les crises dépressives de sa mère, la vie en communauté ou les moments livrés à lui-même. Sa sœur s'en doute et culpabilise. Quant au père, seules les larmes et la culpabilité sont au rendez-vous.
Le divorce n'est pas un thème original en littérature, mais ici le traitement est intéressant. Trois narrateurs exposent leur point de vue: le père, la mère, la fille. Cette dernière se substitue à la parole de son frère Tom, victime exemplaire, en utilisant le "tu" affectif.
Nous sommes dans les années 80 à un moment où le mot divorce, sans être un tabou, n'était pas non plus banalisé comme aujourd'hui.
Les enfants sont les victimes collatérales d'un couple qui se déchire, une arme pour blesser l'ex-conjoint tant détesté, mais au passage, on ne sait plus comment les aimer. De l'affection, ils ne connaissent plus que le chantage affectif...
En une centaine de pages, Carole Fives a réussi à restituer le drame ressenti par les enfants du divorce. La fin (une lettre de Tom) résume à elle seule à quel point cela peut avoir des conséquences sur la vie future de l'enfant affecté.
Une belle lecture.