mardi 7 janvier 2014

Olive Kitteridge, Elizabeth Strout

 Ed.Le Livre de Poche, février 2012, 408 pages, 7.6 euros

Un sacré tempérament!


Prix Pulitzer 2009


Dès la fin du premier chapitre, le lecteur peut déjà se faire une opinion d'Olive Kitteridge. A mi-chemin entre la mégère et la pince sans rire, j'ai surtout retenu qu'elle avait un sacré tempérament et que c'est le genre de femme qu'on préfère avoir comme amie que comme ennemie, la preuve: "Henry avait envie de la prendre dans ses bras mais cette noirceur en elle, comme une vieille connaissance qui ne décide pas à partir, l'en dissuada."...Les présentations avec le lecteur terminées, Olive s'efface pour laisser place à d'autres personnages de son entourage. S'ensuit alors une série de chapitres que l'on peut considérer comme des nouvelles dans lesquelles les personnages vivent un moment clé de leur vie. L'originalité intervient dans le sens où chacune de ses histoires possède un lien plus ou moins direct avec Olive Kitteridge, personnage emblématique de la ville de Crosby, connue pour son franc-parler et son passé de prof de maths du collège. Une réflexion faite en cours, une démarche, un regard, tous ont subi l'influence d'Olive, et se demandent comment son époux Henry, si gentil, si cordial peut encore la supporter.
Mais au fil des pages, la mégère annoncée se nuance, elle devient plus humaine. Alors, Olive redevient le personnage central afin que le lecteur découvre ses peines, ses regrets, ses relations conflictuelles avec son fils unique, ou son amour pour son "si gentil mari". Pour elle, la vie est une suite ininterrompue de "grandes secousses" et de "petites secousses" qu'il faut saisir. Finalement, son tempérament un rien bourru n'est qu'une carapace car Olive vit constamment avec la peur: peur de mourir seule, peur de ne plus être aimée, mais jamais elle ne remet en question son caractère. C'est comme ça et tant pis pour les autres.
Ce roman sonne juste car il met en scène des personnages vraisemblables et décrit les petits bonheurs et malheurs d'une vie. La construction volontairement polyphonique mais voilée ne fait qu'ajouter à la justesse de l'ensemble. Certes, Olive reste le personnage central, mais parfois, on ne la retrouve qu'au détour d'une phrase ou d'un souvenir. Sans le vouloir, elle a laissé sa trace sur beaucoup de personnes et s'est révélée plus humaine qu'elle n'y paraissait. Alors, cette forte femme dont le seul souhait au soir de sa vie et "de mourir et vite" se redonne le droit à des prolongations...ET pourquoi n'y aurait-elle pas le droit? Un très bon moment de lecture.