vendredi 3 janvier 2014

L'année de l'hippocampe, Jérôme Lafargue

 Ed. Quidam, août 2011, 300 pages, 19 euros

Félix, reporter de l’extrême, témoin de trop de violences et de morts de par le monde, décide de se poser et se reconstruire dans un petit village des Landes. Il veut y retrouver « l’idée de lenteur et de simplicité » que son métier lui a ôté, et surtout ne plus se dire : « je suis un être à genoux ».
Il décide d’associer à ce projet d’une année un journal intime sur lequel, jour après jour, il y couchera ses pensées, ses rencontres, le tout accompagné d’un titre musical. Le lecteur se rend compte que les jours de Félix se suivent et ne se ressemblent pas. Très vite, il devine le tempérament bipolaire du personnage, passant de l’euphorie à des accès de mélancolie profonde. Les blessures de l’âme prennent le dessus jusqu’au jour où il rencontre Cigale, et tombe follement amoureux.
Ce roman méconnu de la rentrée littéraire de septembre qui, à première vue, propose une intrigue assez conventionnelle, mérite pourtant qu’on s’y attarde. En présentant son roman sous la forme d’un journal quotidien agrémenté de références musicales éclectiques, l’auteur met à nu son personnage principal et lui donne de la force. Félix n’est pas seul, il fait des rencontres et s’entretient régulièrement avec son ami Tim, reclus volontaire un rien cynique.
Pourtant, il continue de croire que « vivre est difficile, mais vivre avec soi l’est encore plus ». Dès lors, pour exprimer l’inexprimable, l’auteur a mis la forme au service du fond. Le journal intime se transcende et prend des libertés : le narrateur change, le carnet devient récit et le lecteur se retrouve confronté à une véritable intrigue policière : quelle est cette mystérieuse décision que Félix doit prendre ? Qui est vraiment Tim ? On sent que l’angoisse remplace la légèreté de ton du début pour aboutir à une fin digne du genre.
Jérôme Lafargue propose une construction romanesque savante et subtile qui, comme l’hippocampe, l’animal le plus lent du monde, met du temps à prendre corps, mais qui, au final, nous atteint avec une rapidité inattendue et efficace. Finalement, on ne peut que saluer ce livre réfléchi et intelligent.