Ed. Folio, traduit de l'anglais (USA) par Laura Derajinski, août 2012, 240 pages, 6.6 euros
L'ombre de la page 113...
Ce roman paru dans la collection "nature writing" promet une histoire au
milieu de la nature et des grands espaces. Ainsi, le lecteur part avec
Jim et son fils Roy sur une île déserte en Alaska, bien décidé comme eux
de vivre pendant un an en autarcie. En fait, c'est plutôt Jim qui
voulait réaliser ce projet, histoire de redécouvrir son fils de treize
ans qu'il ne connaît pas bien. Son obsession des femmes l'a éloigné des
choses essentielles. Roy subit plus ou moins la situation. En bon ado,
il est tiraillé entre le dégoût et l'amour qu'il éprouve pour son
géniteur. Tout se corse la nuit: Jim a la fâcheuse habitude de
s'épancher sur sa vie privée passée et de sangloter devant son
fils...Ainsi passent les jours: un homme en proie à ses démons qui tente
de faire bonne figure et de repousser ses pensées suicidaires, un fils
qui veut à la fois rester aux côtés de son père et fuir pour rejoindre
sa mère et sa petite sœur. Mais à la page 113, tout bascule, et le
lecteur entame alors une seconde partie qui ressemble davantage à une
plongée dans le cerveau d'un homme partagé entre la raison et la folie.
Oui, la page 113 tient toute ses promesses, et explique toute la valeur
du mot "transfert". David Vann raconte deux hommes dans une nature
hostile et se demande à juste titre si le lieu est bien choisi pour
tisser des liens. En tout cas, l'image du père en prend un coup et c'est
Roy, le fils, qui semble, à bien des égards, beaucoup plus responsable
que son ascendant. L'isolement et la solitude peuvent devenir des
fardeaux lorsque l'homme n'y est pas bien préparé. Bref, c'est un roman
assez fort qui se lit vite et bien, dont l'analyse psychologique est
taillée au scalpel. Je suis sortie de cette lecture un peu déçue par la
fin, mais dans l'ensemble contente. Cependant, ce n'est pas une lecture
traumatisante comme j'ai pu lire ça et là. Pour cela, je laisse le soin
aux romans de Cormac Mac Carthy !