Ed. Gallmeister, collection Totem, traduit de l'anglais (USA) par Laura Derajinski, 325 pages, 9.8 euros
Un second roman est toujours terrible pour un auteur, surtout lorsque le
premier a fait sensation. Dès lors, on ne peut s'empêcher de traquer
les points communs, les différences, et dans ce cas-là, lire en
diagonale la page 113, on ne sait jamais...Certes, le récit se déroule
encore en Alaska, certes, c'est encore une île (Caribou Island titre
original de l'œuvre), mais cette fois-ci ce n'est plus un duo, mais une
famille que David Vann décide de mettre en scène. Et cette famille a
ceci de bien particulier que se sont des inadaptés au bonheur. Frustrés,
remplis de regrets et de remords (et si j'avais fait ceci, et si
j'avais choisi cela), ils décident, d'un seul coup, chacun dans leur
coin, de faire le bilan de leur triste vie. Seul le fils Mark reste en
dehors de ces états d'âme, trop défoncé à la marijuana, et "allergique" à
ce curieux esprit de famille.
Irène, la mère, ressent "désormais sa vie
et celle de Gary (son mari) comme une incroyable suffocation. Un poids
terrible, un essoufflement et une panique", et lui Gary voit dans le
projet de construction de sa cabane "le simple reflet d'un homme, à
l'image de son propre esprit", "sans assise en ciment, sans permis de
construire". Et dire que ces deux là qui ne se supportent plus veulent
vivre isolés dans une cabane digne de Koh Lanta sur une île perdue
d'Alaska! L'histoire mérite d'être lue, mais le dernier quart est long
car le récit s'enlise. David Vann explique finalement que les êtres
reproduisent un schéma familial prédéfini (qu'on le veuille ou non) en
utilisant la relation d'Irène et de sa fille Rhoda. Quant aux hommes, il
les décrit comme de pitoyables êtres refusant de faire face à leurs
erreurs, à leurs pulsions, et préférant la fuite.
Ce second roman est un
bon roman, moins bien rythmé que son grand frère, très fin en analyse
psychologique, et merveilleux en carte postale de l'Alaska. Cependant,
il souffre de longueurs et de répétitions, si bien que la fin nous
semble moins percutante que ce que l'auteur aurait voulu qu'elle soit.