jeudi 26 décembre 2013

Mortelles voyelles, Gilles Schlesser

Ed. Points seuil, janvier 2012, 276 pages,7 euros

Si Rimbaud m'était conté...


Quand on a des parents littéraires, on risque de porter un prénom étrange! C'est le cas d'Oxymor Baulay, qui passe son temps à expliquer aux gens pourquoi il porte ce prénom bizarre... Oxymor, donc, est journaliste. Lors d'un reportage en immersion chez les SDF, il se voit confier contre des cigarettes un bien étrange manuscrit. En effet, tout comme Pérec avait écrit "La Disparition" en bannissant la lettre A, l'auteur de cet étrange récit a banni le Y en le remplaçant par des I, ainsi que l'auxiliaire ETRE. Après lecture, Oxymor, en fin limier, sait que ce livre aura un succès fulgurant en librairie, mais surtout le texte lui procure un étrange malaise, car "le texte oscille entre ombre et lumière, parfois plat comme une crêpe, parfois flamboyant." Sans hésitation, il pense que l'histoire contient "un soupçon de Céline, une once de Lautréamont, un zeste du Code Civil cher à Stendhal." Ce qui est le plus grave, c'est qu'Oxymor pense que le texte ne fait que relater des meurtres qui se sont véritablement passés en 1979!
Aidé d'un commissaire à la retraite, d'une maîtresse fantasque, et d'un trio d'Oulipiens allumés, Oxymor décortique le roman et se rend compte que le célèbre poème de Rimbaud "Voyelles" est au centre de l'énigme. Jamais ennuyeux, souvent captivant, je me suis plongée avec délices dans cette enquête littéraire où le héros manie la langue française avec panache sans pour autant être "lourd", ainsi que les figures de style et de rhétorique. Ainsi, on redécouvre l'oxymore et ses compagnes, suivis à chaque fois d'un exemple bien concret pour permettre au lecteur de ne pas se sentir perdu. Le mieux, c'est que l'intrigue tient très bien la route.L''enquête vire à l'explication Rimbaldienne, tout en gardant les ingrédients nécessaires au bon polar: des indices, des meurtres, des policiers qui ralentissent l'enquête, des personnages secondaires douteux... Bref, tout y est,pour la plus grande joie des littéraires!