mardi 12 novembre 2013

Blues pour Elise, Séquences afropéennes, Saison 1, Leonora Miano

Ed. Pocket, décembre 2012, 157 pages, 6.1 euros

Bienvenue chez les "bigger than life"

 

 Roman certes mais "roman éclaté" selon la volonté de Léonora Miano, divisé en huit nouvelles, permettant ainsi de ne pas mettre en avant de personnages principaux. Les dix personnages évoluant ont tous leur importance. tome 1 d'une future trilogie...
Quelle est le point commun des "Bigger than life", petit groupe d'amies parisiennes? Eh bien, elles sont noires, d'origine "subsaharienne" (néologisme cher à l'auteur),et elles refusent de choisir entre le poids des traditions et leur vie en France. Parfaitement intégrées, indépendantes, elles s'écartent de l'image traditionnelle de la femme africaine, "le poteau mitan", c'est à dire le poteau, le point d'ancrage de la maisonnée. Akasha, Amahoro, Estelle, MalaÏka et Shane vivent leurs amours comme elles l'entendent, sans subir les pressions qu'ont subit autrefois leurs parents respectifs. Mais elles traversent aussi une quête identitaire...La séance chez le coiffeur devient une séance politique pour savoir si oui ou non il faut garder les cheveux crépus, l'élection de "brother B" (on comprendra Obama) est une bonne chose, surtout pour les blancs, si cela peut les aider à déculpabiliser du reste...Sur un ton léger, Léonora Miano, sans en avoir l'air, assène quelques vérités et se moque des idées reçues sur la jeunesse française d'origine africaine. Certes, le lecteur sourit en lisant les retranscriptions de conversations téléphoniques dans une langue improbable faite d'un mélange de camerounais, de français et d'anglais, ou en accompagnant les incertitudes de Michel sur sa sexualité après que sa partenaire lui est (soi disant) fait une caresse osée dans un moment de plénitude sexuelle, mais rien n'est évoqué au hasard. Ce roman éclaté, sans personnages centraux, démontre que la communauté noire n'existe pas, qu'il existe des rivalités (entre subsahariens et caribéens), mais surtout, que cette jeunesse refuse de choisir. La tradition gastronomique reste, parfois c'est même le seul lien les unissant à leur passé, mais leur vie est à Paris, et non sur le Continent, dont ils ne connaissent pas grand chose d'ailleurs. Les interludes musicaux sont autant de preuves de cette volonté de se sentir Afropéens.Enfin, je trouve que ce roman possède quelques résonances fortes avec la BD "Aya de Yopougon" qui raconte la vie et les amours de jeunes ivoiriens. Léonora Miano a écrit un roman de société attachant et drôle, dont les personnages méritent d'évoluer dans les deux prochains opus prévus. A suivre...