mardi 12 novembre 2013

Triptyque: l'intérieur de la nuit/Contours du jour qui vient/Les aubes écarlates, Léonora Miano

"Qu'on nous montre la route"...


L'intérieur de la nuit

Âmes  sensibles s'abstenir, car ce livre révèle la noirceur de l'âme humaine! Dans un pays imaginaire d'Afrique équatoriale, les villageois d'Eku à qui on n'a jamais rien demandé et qui vivent depuis toujours de la même façon, vont devoir commettre un acte terrible s'ils veulent survivre.
Pourquoi l'intérieur de la nuit? Parce que leur destin se joue en une nuit, et une fois leur sort scellé, leur âme en peine entre dans une nuit interminable.
Superbement écrit, Léonora Miano décrit sans fard une Afrique résignée où la politique sauvage et les mercenaires utilisent les habitants pour arriver à leurs fin, au mépris de toutes les règles d'humanité.
Quelques scènes sont fortes et peuvent choquer, mais elles témoignent du jusqu' au boutisme de ces éléctrons libres prêts à tout pour faire régner la terreur.
Par le biais de sa protagoniste, rejetée par les siens car "étrangère" et cultivée, l'auteur fait résonner le NON lancinant et implacable. Malgré tout, le choix existe toujours, et parfois la mort n'est elle pas préférable à une vie pleine de remords?
Un premier roman abouti et superbe, un grand livre.

 

Contours du jour qui vient


 Deuxième opus du triptyque consacré au Mboasu pays imaginaire mais ô combien réel d'Afrique, ce roman est encore une fois superbement écrit. La narratrice, malgré sa jeunesse gâchée, symbolise l'espoir d'un pays où règnent le chaos et les ombres. Les sectes remplacent l'unité et l'amour familial, les enfants sont rejetés par leurs parents, les habitants survivent au jour le jour. Musango, bannie par sa mère, refuse son statut d'ombre errante et décide de choisir sa vie, de vivre libre sur sa terre d'Afrique.
Ce n'est pas un roman d'apprentissage, mais un roman sur le pardon car Musango pardonne et aime cette mère qui n'est pas capable de l'aimer. C'est un roman aussi sur l'espoir, car la petite fille fait des rencontres riches qui sont autant de pépites posant les jalons de sa vie future. Enfin c'est un roman sur les ravages de la guerre et les conséquences quasi surréalistes qu'elle peut avoir dans un pays qui se cherche.
Le Mboasu n'existe pas néanmoins il concentre à lui tout seul toutes les réalités de l'Afrique équatoriale. Au détour d'un chemin, Musango rencontre les protagonistes de l'intérieur de la nuit (L'intérieur de la nuit): il y
a ceux qui résistent, ceux qui profitent, et ceux qui subissent.Le "contours du jour qui vient" c'est l'espoir de vivre libre et ne plus être une ombre parmi les ombres.




Les aubes écarlates


 Cette fois-ci Léonora Miano consacre son style envoûtant et prenant aux "rebelles", c'est à dire à ceux qui, avides de prendre le pouvoir, ont enrôlé des enfants innocents et en ont fait des machines à tuer. Par certains aspects de son récit, j'ai retrouvé des points communs avec un excellent livre que j'avais lu à ce sujet Allah n'est pas obligé - Prix Renaudot et Prix Goncourt des Lycéens 2000 consacré lui aussi à cette jeunesse sacrifiée.
Certes, la violence de certaines scènes peut choquer mais ne nous voilons pas la face, car elles ont réellement existé au Rwanda. Cependant, l'auteur ne se contente pas de faire un tableau violent de ce pays réduit à la guerre civile. En effet, elle offre aussi ses pages à la rédemption, au pardon, et propose à ces gens meurtris d'écouter la voix et la sagesse de leurs anciens en regardant (enfin!) et en acceptant leur passé d'esclaves.
Telle une araignée tissant sa toile, des personnages récurrents aux trois livres apparaissent, de façon secondaire ou principale: Musango, Ayané, Ié, epa, Eso, l'"historienne-médium"....Tous ont apporté leurs pierres à l'édifice de reconstruction et à l'acceptation de soi, même si certains furent des criminels.
Comme d'habitude un très beau roman, brillamment écrit, mais qui mérite d'être lu après la lecture des deux premiers tomes afin d'en apprécier toute la saveur.