Ed. Flammarion, collection Tribal, octobre 2012, 180 pages, 10.5 euros
Trois voix pour trois personnages aux profils et aux vécus si différents qu’on se demande quel sera leur point commun.
Trois voix : Pélagie, jeune adolescente,
orpheline et élève modèle, enchaînée au mur d’une pièce délabrée par un
homme portant un masque de Mickey ; Fabio Angst, homme meurtri après un
accident qui l’a laissé amnésique, à la recherche de ses souvenirs ;
Arturo, jeune homme en échec scolaire, mis de côté par une mère
davantage soucieuse de ses amours, et qui tente de vivre avec un maigre
emploi de livreur de pizzas.
Or, Arturo, « un garçon en friche sillonnant un désert inutile
», sans cesse en train de se dévaloriser, est un fin observateur. En
scooter, il voit tout, il surveille sans le vouloir ses anciens
camarades de lycée encore dans l’insouciance de la jeunesse, tout en les
jalousant un peu. Très vite, il se rend compte qu’il a été témoin de
l’enlèvement de Pélagie. Il décide alors de la retrouver. Pendant ce
temps, cette dernière sent bien que son agresseur n’attend rien d’elle.
Elle meurt à petit feu, pendant que lui, attend, serein, que sa vie
s’éteigne. Au fur et à mesure, elle veut « abandonner parce que chaque instant est une éternité qui la terrorise ».
Angst, lui, se sent vide. Depuis
son accident de voiture, son cerveau lui joue des tours. Il est
incapable d’avoir une mémoire immédiate, quant aux souvenirs plus
éloignés, c’est le brouillard complet. Avec son thérapeute, il tente de
mettre de l’ordre dans « ce puits sans fond ». Le lecteur
devient alors le témoin des progrès du malade, et ce dont il se souvient
est vraiment étrange, au point d’être en rapport avec l’enlèvement de
Pélagie… Or, la ficelle serait trop grosse, le schéma trop simple, car
derrière se cache un quatrième personnage, chaînon manquant d’une
histoire à première vue linéaire.
L’intrigue est habilement construite au
point que le lecteur se laisse facilement tromper par les fausses pistes
posées par l’auteur, et oublie parfois les répétitions laborieuses de
quelques situations décrites. L’ensemble est sombre, oppressant, on
s’attend même à une fin tragique. Et pourtant… L’ensemble se dégonfle
comme un ballon de baudruche à cause d’une fin bâclée, gâchée par une
ellipse monumentale qui prive le lecteur de dénouement, ainsi qu’un
mobile terriblement confus. Certes, l’épilogue permet de deviner ce qui
s’est passé, mais l’histoire méritait mieux que ces quelques lignes de
conclusion.
Finalement, le roman joue « presque » le
jeu du roman noir pour adolescents mais pâtit de quelques défauts dus
sûrement au fait que l’auteur, bien connu dans le monde de la
littérature jeunesse, soit davantage habitué à écrire pour un public
plus jeune.
Roman s’adressant aux lecteurs de plus de quinze ans.
(belle coquille p.149 : empruntes au lieu d’empreintes)