dimanche 13 octobre 2013

A quoi rêve Crusoe ?, Florence Delaporte

 Ed. Le Rouergue, octobre 2012, 128 pages, 8.10 euros 

Australie, de nos jours. Mia et Thor sont jumeaux. Tandis que Mia est une élève modèle, Thor se rapproche de la bande de petits délinquants du coin, histoire de  se faire accepter et devenir un caïd. L'adolescence est en train de les séparer, il n'y a plus que la nuit qui les rapproche. En effet, les jumeaux ont la particularité de faire des rêves similaires et prémonitoires. Autant Mia y accorde de l'importance, autant Thor les rejette.
Un jour, le collège accueille un nouvel élève, Crusoé. Rien de bien exceptionnel jusque là sauf que le jeune homme a la peau sombre, et issu d'une famille aborigène, ce qui pour le lecteur n'est pas si exceptionnel que ça, étant donné que l'action se situe en Australie, mais apparemment ça l'est dans un établissement accueillant essentiellement des "blancs bien sous tous rapports". Premier cliché.
Alors que Thor déteste d'emblée Crusoé à cause de ses prouesses sportives, sa gentillesse, et surtout, la couleur de sa peau, Mia se rapproche de plus en plus de lui. Petit à petit, on sent que Crusoé devient le "ticket d'entrée" probable de Thor dans la bande qu'il côtoie; petit à petit, il y a de la bagarre dans l'air, teintée de racisme anti-aborigène.
Mais, Crusoé disparait subitement, sans laisser de traces. Au même moment, les jumeaux refont des rêves prémonitoires, sont en proie à de drôles de visions. Pour comprendre, Mia décide d'étudier de plus près les coutumes aborigènes, et se rend compte que le rêve en est justement le principe fondateur. Second cliché.
A partir de là, ce qui apparaissait comme une gentille histoire ado teintée de rivalité avec une leçon de morale sur le racisme, devient un récit d'initiation aborigène qui tourne mal, agrémenté d'événements improbables, et ponctué de dialogues insipides censés donner des explications au lecteur sur la vraisemblance de l'explosion de la maison des jumeaux, ou de la grotte souterraine remplie de peintures aborigènes,  ou encore de l'apparition du plombier qui s'avère être le détenteur de pas mal de secrets. Bref, les clichés s'accumulent si bien qu'à la fin, le peu d'informations glanées ça et là sur les croyances du premier peuple australien et leurs mythes,  ne sauve pas l'ensemble du naufrage.
Mais à quoi rêve Crusoé finalement? Brutalement disparu au début du roman pour réapparaître furtivement à la fin, Crusoé est le maigre fil d'Ariane qui explique les rêves prémonitoires de Mia et Thor, et les catastrophes en chaîne. La première partie traitant du racisme larvé est complètement abandonnée au profit d'une seconde partie "abracadabrantesque" sur les rites d'initiations aborigènes. Et c'est là que le bât blesse. A force de clichés, l'auteur, sûrement sans le vouloir, accroit le fossé  concernant les idées préconçues et "bien pensantes" des Australiens blancs sur la communauté aborigène.
Finalement, tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles au pays des Kangourous, et on ne sait toujours pas quels sont les rêves de Crusoé.