samedi 12 octobre 2013

Le coeur n'est pas un genou que l'on peut plier, Sabine Panet et Pauline Penot

 Ed. Thierry Magnier, septembre 2012, 164 p.

« C’est COMME ÇA que ça doit se passer, COMME ÇA que je l’ai promis, COMME ÇA que tu as vécu ici toutes ces années ».
Rien ne va plus dans la famille d’Awa, brillante élève de première, née en France d’origine Sénégalaise. En effet, depuis que son père s’est mis en tête d’honorer sa promesse, à savoir marier sa fille aînée à un obscur cousin, les femmes se liguent pour tenter de trouver une solution.
Sans le savoir, avant sa naissance, Awa a aidé ses parents, Aminata et Bocoum, à venir s’installer en France : « C’était organisé votre affaire, dis-moi. T’avais même pas une échographie que ton fœtus servait de filière d’immigration », ironise la tante, qui, autrefois elle aussi promise, a su déjouer les plans familiaux et réussir une carrière de chercheur…
Or, Bocoum ne veut rien savoir. Il ne cède pas, argumente sur des valeurs ancestrales, des liens familiaux qu’il ne s’agit pas d’oublier, et puis le père du cousin en question mène une carrière politique là-bas au Fouta, alors, il serait donc malvenu de lui poser un lapin !
Et l’heureux élu, qu’en pense-t-il ? Contacté sur internet via le plus connu des réseaux sociaux, la perspective de ce mariage arrangé ne l’enchante guère non plus… Lui aussi tient à profiter de sa jeunesse et des nouvelles opportunités offertes par son pays !
« Le cœur n’est pas un genou que l’on peut plier » dit un proverbe toucouleur, alors pourquoi faudrait-il obéir à une tradition séculaire et surtout contestable ?
Le ton, les répliques qui font mouche, les discussions à coups de proverbes africains font qu’on ne s’étonne pas lorsqu’on apprend que les deux auteurs ont vécu en Afrique. Tout sonne vrai, et le récit est décrit avec l’ironie suffisante pour ne pas sombrer dans la moquerie décomplexée. Dès le début, le lecteur s’associe à Awa et ses amies pour trouver une solution à ce cauchemar. Et même si « Le chef de famille doit être aveugle et sourd sinon sa famille sera détruite », on devine vite que le père va avoir du mal à remporter la bataille face à « une horde » déchaînée. Certes, la solution de remplacement trouvée est romanesque, mais elle fait honneur à la culture et à l’intégration.
Enfin, parce qu’il est très bien écrit (à quatre mains), ce roman se moque des préjugés sur les familles africaines en France et au Sénégal. C’est drôle, c’est vif, avec des personnages dans l’air du temps.
Une belle découverte, et un régal de lecture !