samedi 12 octobre 2013

Les vingt-cinq vies de Sandra Bullot, Colas Gutman

 Ed. Ecole des Loisirs, septembre 2012, 168 p. 8,5 €

Sandra est une adolescente avec un caractère et une vie en accord avec son âge, sauf qu’elle traîne aussi deux problèmes récurrents : sa famille et un mystérieux amoureux.
Malgré un aspect bourru certain et des répliques qui font mouche, Sandra est sûrement l’élément le plus équilibré de la cellule familiale. Son père, agent de voyages timide au point de se sauver lorsque les clients s’annonçaient, soigne son mal-être enfermé dans sa chambre entouré de paquets de chips… Quant à sa mère Sarah, comédienne en devenir (et ratée) « qui se fiche éperdument de se ridiculiser devant des millions de téléspectateurs en jouant une fliquette dans un costume de location », elle n’a jamais la maturité requise pour être une vraie maman.
« Ma mère m’a appelée Sandra non pas à cause de cette comédienne au sourire narquois, à l’œil pétillant et aux fesses rebondies, mais parce qu’elle s’appelle Sarah et que “Sandra et Sarah, ça fait comme des sœurs tu trouves pas ?” Elle n’a pas pensé une seconde à Sandra Bullock et au mal qu’elle pouvait me faire… »
Le second problème est un mystérieux personnage au pseudo délirant : « endive au jambon ». Ce dernier lui envoie régulièrement des mails d’amour et poétiques. D’abord choquée, puis intriguée, Sandra se prête au jeu et espère intimement que l’endive en question est un superbe jeune homme du lycée.
Justement le « bahut », parlons-en : entre la copine qui ne comprend rien et qui confond tous les mots de vocabulaire (ce qui nous vaut souvent des dialogues hilarants) et les amours qui se cherchent, Sandra se forge une carapace et endosse, chaque jour, une personnalité nouvelle. Elle « tâtonne » car elle veut se sentir bien : de sa « vie de tigre du Bengale sous antalgiques », en passant par sa « vie de dinde aux marrons » ou sa « vie de caniche royal », il lui faudra « subir » vingt-cinq métamorphoses pour enfin entamer sa « vie de Sandra Bullock », l’identité de son mystérieux correspondant et le moyen de supporter sa famille :
« Je n’ai pas toujours été mécontente de mon sort. Il y a peu de temps encore, l’originalité de ma famille me procurait une certaine fierté. Aujourd’hui j’ai l’impression d’être un caniche dans une baignoire, au bord d’un siphon géant ».
Sandra est un personnage attachant. Le roman a le mérite de ne jamais sombrer dans la caricature en proposant le portrait d’une adolescente en péril et en constante opposition. Sandra résonne (ouf) et propose à ses lecteurs un point de vue décalé et pertinent sur ce qu’elle vit et ce qui l’entoure. De ce fait, le récit est porté par des personnages percutants, souvent drôles, aux dialogues qui font mouche. Certains passages sont jubilatoires mais laissent de la place à la tendresse d’ensemble que se portent les protagonistes. Sandra est l’archétype même de la jeune fille ado « en devenir » si bien que le lecteur du même âge n’aura aucun mal  à s’identifier.
Véritable coup de cœur jeunesse à partir de quinze ans.