Il doit y avoir chez moi une obsession
pour la télé. J’avais déjà écrit une histoire sur ce sujet il y a
quelques années. Un papa traversait l’écran de son poste de télévision
pour atterrir au milieu du match de foot qu’il était en train de
regarder. Il faut peut être y voir des réminiscences de films d’horreur
mal digérés (comme Poltergeist). Mais consciemment, c’est
plutôt la science fiction qui m’a inspiré, la chute de l’histoire ouvre
plutôt sur une problématique de fiction d’anticipation.
2) Au début de l’album, la famille
vit très bien sans télé. Croyez-vous que l’appareil peut être un facteur
déterminant dans le changement des habitudes familiales ?
Il me semble que personne n’est à
l’abri de se faire happer par la télé. La plupart des gens que je
connais qui vivent sans télévision ont fait ce choix pour se prémunir de
l’addiction. Le problème est « Comment vivre bien avec la télé ». Dans
mon histoire il semble bien que personne n’est prêt à accueillir ce
nouveau média « dévorant ».
3) Au fil des pages, le jaune vif de
l’appareil saute aux yeux du lecteur. Comment avez-vous fait le choix
des couleurs pour les illustrations ?
La couleur a été un long travail avec
l’éditeur, il a fallu que je recentre les gammes de couleur pour créer
une harmonie qui jure avec « Le monstre » jaune.
4) Sans prendre la parole, la télé
devient une menace constante au point de chambouler la vie d’une famille
entière. Est-ce une façon de formuler la dépendance que nous avons
vis-à-vis de l’écran ?
Je n’ai pas eu envie de faire la morale à
qui que ce soit. Mon histoire est d’abord une fiction, ce qui est
intéressant c’est de prendre certaines expressions de tous les jours et
de les mettre en image au premier degré : « Dévorer un programme » par
exemple. A partir de là tout peut arriver. Ce qui est intéressant c’est
le décalage.
5) La sœur accueille le lot d’un œil
circonspect, puis la mère entre en résistance. Est-ce synonyme que les
filles sont moins influençables et dépendantes que les garçons en
matière de programmes télévisuels ?
Sur le plan de la dépendance, je crois
qu’il n’y a pas de différence entre les sexes. Par contre, il se peut
que les garçons mettent plus de temps à réagir en cas de péril. Et puis
c’est plus le souvenir de la « télé à table » de mon enfance qui m’est
revenu : Starsky et Hutch le dimanche midi faisant concurrence
aux bons petits plats mijotés par ma maman. Je réhabilite d’une certaine
façon le rôti de bœuf.
6) En plus d’être un monstre
dévoreur, le poste est aussi un monstre chronophage. Croyez-vous que les
gens déterminent leur emploi du temps loisirs en fonction de ce qui
passe à la télévision ?
Sans aucun doute, la télé est un
rendez-vous comme les autres, les feuilletons surtout. Cependant,
Internet modifie peu à peu ces habitudes car il n’y a pas de contraintes
d’horaires. La télé c’est déjà un peu dépassé. Celle que j’ai imaginée
pour l’histoire est d’ailleurs assez rétro.
7) A votre avis quelle illustration de l’album résume le mieux l’histoire ?
Peut-être la télé abandonnée au bord de la route, attachée à un arbre. Cela résume bien le côté absurde de la situation.
8) En écrivant « Notre télé », n’avez-vous pas pensé, en filigrane, à l’influence de la téléréalité sur les plus jeunes ?
Pas vraiment, mais voila un sujet drôlement intéressant à aborder.
9) La mise en abyme de la fin est-elle volontaire ?
Oui totalement, car cela ouvre le
lecteur sur une dimension totalement irréaliste. Autant y aller
franchement. Et si les limites du monde ne seraient pas un cadre de
télé ? Et puis, j’avoue qu’une simple « happy end » ne me convenait pas,
la surprise c’est mieux.
10) Finalement, quel message avez-vous voulu transmettre ?
L’important avec la télé, c’est de savoir la dresser.