samedi 26 octobre 2013

RUE DES ALBUMS (8bis): Dix questions à François Aubin, auteur de Notre Télé

1) D’où vous est venue cette idée d’une télévision omnivore ?

Il doit y avoir chez moi une obsession pour la télé. J’avais déjà écrit une histoire sur ce sujet il y a quelques années. Un papa traversait l’écran de son poste de télévision pour atterrir au milieu du match de foot qu’il était en train de regarder. Il faut peut être y voir des réminiscences de films d’horreur mal digérés (comme Poltergeist). Mais consciemment, c’est plutôt la science fiction qui m’a inspiré, la chute de l’histoire ouvre plutôt sur une problématique de fiction d’anticipation.

2) Au début de l’album, la famille vit très bien sans télé. Croyez-vous que l’appareil peut être un facteur déterminant dans le changement des habitudes familiales ?
Il me semble que personne n’est à l’abri de se faire happer par la télé. La plupart des gens que je connais qui vivent sans télévision ont fait ce choix pour se prémunir de l’addiction. Le problème est « Comment vivre bien avec la télé ». Dans mon histoire il semble bien que personne n’est prêt à accueillir ce nouveau média « dévorant ».

3) Au fil des pages, le jaune vif de l’appareil saute aux yeux du lecteur. Comment avez-vous fait le choix des couleurs pour les illustrations ?

La couleur a été un long travail avec l’éditeur, il a fallu que je recentre les gammes de couleur pour créer une harmonie qui jure avec « Le monstre » jaune.

4) Sans prendre la parole, la télé devient une menace constante au point de chambouler la vie d’une famille entière. Est-ce une façon de formuler la dépendance que nous avons vis-à-vis de l’écran ?

Je n’ai pas eu envie de faire la morale à qui que ce soit. Mon histoire est d’abord une fiction, ce qui est intéressant c’est de prendre certaines expressions de tous les jours et de les mettre en image au premier degré : « Dévorer un programme » par exemple. A partir de là tout peut arriver. Ce qui est intéressant c’est le décalage.

5) La sœur accueille le lot d’un œil circonspect, puis la mère entre en résistance. Est-ce synonyme que les filles sont moins influençables et dépendantes que les garçons en matière de programmes télévisuels ?

Sur le plan de la dépendance, je crois qu’il n’y a pas de différence entre les sexes. Par contre, il se peut que les garçons mettent plus de temps à réagir en cas de péril. Et puis c’est plus le souvenir de la « télé à table » de mon enfance qui m’est revenu : Starsky et Hutch le dimanche midi faisant concurrence aux bons petits plats mijotés par ma maman. Je réhabilite d’une certaine façon le rôti de bœuf.

6) En plus d’être un monstre dévoreur, le poste est aussi un monstre chronophage. Croyez-vous que les gens déterminent leur emploi du temps loisirs en fonction de ce qui passe à la télévision ?

Sans aucun doute, la télé est un rendez-vous comme les autres, les feuilletons surtout. Cependant, Internet modifie peu à peu ces habitudes car il n’y a pas de contraintes d’horaires. La télé c’est déjà un peu dépassé. Celle que j’ai imaginée pour l’histoire est d’ailleurs assez rétro.

7) A votre avis quelle illustration de l’album résume le mieux l’histoire ?

Peut-être la télé abandonnée au bord de la route, attachée à un arbre. Cela résume bien le côté absurde de la situation.

8) En écrivant « Notre télé », n’avez-vous pas pensé, en filigrane, à l’influence de la téléréalité sur les plus jeunes ?

Pas vraiment, mais voila un sujet drôlement intéressant à aborder.

9) La mise en abyme de la fin est-elle volontaire ?

Oui totalement, car cela ouvre le lecteur sur une dimension totalement irréaliste. Autant y aller franchement. Et si les limites du monde ne seraient pas un cadre de télé ? Et puis, j’avoue qu’une simple « happy end » ne me convenait pas, la surprise c’est mieux.

10) Finalement, quel message avez-vous voulu transmettre ?

L’important avec la télé, c’est de savoir la dresser.