samedi 26 octobre 2013

RUE DES ALBUMS (8) : Notre télé, François Aubin

Ed. Ecole des Loisirs, février 2013, 48 pages, 12.5 euros


Dans cette famille, la vie s’organisait jusqu’alors sans télévision. Il a fallu que papa en gagne une à la tombola de son travail pour que le quotidien soit chamboulé. L’arrivée du poste est un événement, d’ailleurs on décide de l’ouvrir pour la première fois à l’heure du dîner pour que tout le monde puisse en profiter. Mais, à défaut d’une émission, c’est une gomme qui apparaît sur toutes les chaînes, et pas n’importe laquelle, celle de la fille de la maison !
Bizarre, bizarre…
Peut-être l’appareil est-il en panne, mieux vaut donc l’emmener chez le réparateur ! Seulement, le soir même, papa le trouve devant la porte de la maison. Lorsqu’il veut vérifier s’il fonctionne, il trouve le magasin et le réparateur du matin à l’intérieur avec la gomme !
Encore plus étrange, décidément…
« – Cette télévision va finir par nous dévorer ! a dit maman.
– Elle a besoin que quelqu’un la regarde, a dit papa.
Tant que nous la regardons, nous n’avons rien à craindre ».
Malgré une tentative d’abandon, rien n’y fait, la télé revient chez elle, se dandine, trépigne, pour que la famille l’allume et regarde ses nouveaux programmes. Petit à petit, papa, maman et les enfants deviennent esclaves de l’écran qui, chaque jour, apporte son lot de nouvelles images « avalées » au gré de ses pérégrinations dans la ville. Oui, mais voilà, au bout d’un moment, ne reste plus que la maison qui est épargnée. La télévision est un monstre omnivore et chronophage : papa ne va plus au travail pour surveiller l’appareil, et les enfants ne vont plus à l’école car elle n’existe plus.
« Papa tournait en rond dans la maison, en pantoufles, jusqu’à l’heure où la télévision revenait de la chasse ».
Ainsi, l’appareil est un véritable prédateur dont il faut se méfier. L’auteur en développe le champ lexical pour bien marquer la dangerosité, soutenu par des couleurs de plus en plus sombres pour bien mettre en évidence le jaune criard du monstre.
Au fil des pages, la télé gagnée à la tombola se transforme en une créature autonome et vorace, capable de se déplacer vite et loin, pouvant avaler tout ce qui se trouve autour d’elle. Elle est une menace constante.
Le suspens augmente, la famille passe « d’un monde à l’autre », devient dépendante malgré elle des programmes, en perd jusqu’à sa capacité de discernement ! Bref, elle est véritablement lobotomisée jusqu’au jour où la maman tient « un conseil de guerre » avec ses enfants et décide de dire STOP, finissons-en, laissons-la fermée !

Dans cet album, la télévision est au centre de l’intrigue. Elle est le cinquième élément d’une famille qui prend de plus en plus d’importance en son sein au point de détruire leur propre volonté. Dès lors, on peut légitimement penser que cette intrigue est une métaphore filée sur le rôle de la télé dans chaque foyer, et sa capacité à rendre passifs ceux qui la regardent de manière excessive.
Le message est clair : ce genre d’appareil peut devenir un annihilateur de volonté ; il peut devenir un monstre chronophage débiteur d’images et réduire à néant le libre arbitre de chacun.
Et, pour mieux marquer les esprits, quoi de plus simple que de proposer une histoire fantastique avec une mise en abyme illustrée par des dessins simples et explicites ?
En refermant cet ouvrage, vous ne regarderez plus la télévision de la même façon, c’est certain !

A partir de 5 ans.