Avec
ce recueil de quatre nouvelles, Stephen King renoue avec l’inventivité,
l’imagination et la facilité d’écriture qui ont fait son succès. A ce
titre, il est très intéressant de lire d’abord la postface. En effet,
l’auteur explique l’origine de ses histoires : elles sont soit issues
d’un fait d’actualité, soit imaginées à partir d’un épisode de vie dont
l’auteur a été témoin. De ce constat, Stephen King donne sont point de
vue sur l’art de la fiction :
« Ce
n’est pas un art éculé. Ce n’est pas non plus un amusement littéraire.
C’est l’un des moyens essentiels dont nous disposons pour essayer de
donner du sens à nos vies et au monde souvent terrible que nous voyons
autour de nous. C’est la manière dont nous répondons à la question : comment des choses pareilles sont-elles possibles ? »
Ainsi,
devant des actes horribles inexpliqués ou inexplicables, la fiction se
donne le droit d’y apporter du sens, voire proposer une ligne
explicative hypothétique. Ecrites avec un art consommé du genre, les
nouvelles ont en commun le thème de l’Homme et son double Méconnu,
vivant de « l’autre côté du miroir », et qui peut se révéler après un
choc émotionnel intense. Les quatre héros, hommes ou femmes, sont
confrontés à une situation de vie extrême, là où la frontière entre
raison et folie devient ténue.
Chacun
reconnaît qu’il y a une vie avant et une vie après l’indéfinissable. Un
meurtre, un pacte étrange de guérison, un viol ou une terrible
découverte invitent la nature humaine à se transcender et devenir Autre.
Wilf, le héros de 1922, se rend compte de la dualité de l’âme humaine :
« Je crois qu’en tout homme, il y a un autre homme. Un inconnu, un Conspirateur, un Rusé ».
Tout le
monde possède cette petite voix intérieure vous poussant du « côté
obscur », simplement, il faut qu’il se passe un événement
exceptionnellement tragique pour que cette voix fasse écho en vous.
Dans Grand Chauffeur, Darcy, écrivain(e), est violée, puis
laissée pour morte au retour d’une rencontre littéraire. Elle renoue
avec la vie grâce à la vengeance. Sa petite voix intérieure se fait
entendre, la dirige, lui donne la force, et la guide par le biais de la
voix désincarnée de son GPS.
Chaque
histoire témoigne du combat entre la folie et la raison, la pureté et la
noirceur. Des êtres humains qui, jusque là, étaient considérés comme
bons, avec une existence bien tranquille et formatée, changent
complètement. A Derry, ville du feu Grippe Sou le clown, au bord d’une Extension claire, Streeter pactise avec un étrange personnage aux dents effilées, avatar du roman Ça.
En échange d’un sursis et d’une guérison contre le cancer qui le ronge,
il « balance » son meilleur ami dont il jalouse la vie.
Enfin,
Stephen King, dans sa volonté de provoquer chez le lecteur « une
réaction émotionnelle, voire viscérale », touche chacun d’entre nous
avec Bon Ménage. Qui peut se vanter de connaître complètement
son époux(se) ? On croit « être au courant » du plus important mais il
se peut que l’autre reste un « camouflage, une coque creuse », « un vide
abyssal ».
Finalement, Nuit noire, étoiles mortes
démontre que « l’obscure crapulerie du cœur humain ne semble pas avoir
de limites », et que cette dernière peut toucher n’importe qui à un
moment clé de sa vie.