Ed.Thierry Magnier, février 2013, 192 pages, 9.5 euros
Gary,
dix huit ans, vit seul avec sa mère Nicole à Wellington, capitale de la
Nouvelle-Zélande. Il soigne son mal-être existentiel avec la bière
(parfois) et le cannabis (souvent). En effet, Gary ne va pas bien car il
n’a jamais connu son père, et à chaque fois qu’il interroge sa mère à
son sujet, celle-ci se referme comme une huître :
« Je n’imaginais même pas que mon père ait eu une existence. Pour moi, il restait une ombre, celle de mon obsession ».
Or, le silence a trop duré. Est-ce parce
que ce père absent était un homme odieux que Nicole refuse d’en parler,
ou parce que la douleur de la rupture est encore si vive qu’elle
n’arrive pas à oublier ? N’empêche que Gary supporte de moins en moins
l’omerta familiale, surtout depuis qu’il est hanté par de drôles de
rêves mettant en scène les amours d’un soldat de la Grande Guerre…
Un soir, dans un café branché, il
rencontre Lilas, une jeune française qui semble le connaître et surtout,
veut lui faire des révélations quant à l’identité de son père. Mais,
leur amitié tourne court. Agressée à la sortie du bar, elle tombe dans
le coma. Et cette situation est d’autant plus perturbante pour Gary
qu’il a préféré agir comme un lâche et ne pas avertir les secours plutôt
que d’assumer le fait de l’avoir retrouvée inanimée sur le trottoir…
Vous l’aurez compris, ce roman ne
propose pas une intrigue mais trois : Gary veut connaître l’identité de
son père ; Gary rêve d’un soldat ; Gary culpabilise et s’en veut de ne
pas avoir aidé Lilas.
Lorsque les intrigues secondaires
servent l’intrigue principale, cela ne pose pas de problème. Seulement,
il s’avère que l’auteur s’éparpille, perdant parfois le fil de ce qui
est important pour Gary : qui est son géniteur ?
De plus, dans tout le roman, le jeune
homme tente de canaliser sa colère contre sa mère qui se transforme
souvent en violence contenue sur le point d’exploser :
« Je ne me maîtrisais plus, j’avais
envie de la secouer, de lui faire vomir son secret et la haine avait
dominé la raison. (…) Ma main était prête à la frapper ».
Ne pas savoir est pour lui plus qu’une injustice, c’est un manquement à son éducation, à son statut de jeune adulte :
« J’avais pour parents deux
personnes incompétentes : l’une était partie et m’avait abandonné et
l’autre m’avait élevé dans la violence du secret, reniant cette autre
moitié de mon être ».
Les mots sont durs. Gary établit un réquisitoire contre sa mère, l’insulte de vive voix de « tarée », « t’es qu’une salope
», si bien qu’à force de tant de haine, on se demande où se trouve
l’intérêt. Jamais le jeune homme ne se remet en question, et lorsqu’il
est en proie au remords, son orgueil lui refuse toute tentative de
marche arrière…
On ne voit pas très bien l’intérêt d’une
telle violence verbale. Surtout que la fin proposée ne résout pas le
problème de départ et le sentiment de manque de Gary. Certes, le lecteur
comprendra les rêves récurrents du protagoniste, certes Lilas aura
encore son rôle à jouer dans l’histoire, mais ses révélations tant
attendues se dégonfleront comme un ballon de baudruche…
Ainsi, cette lecture, dont les
thématiques se veulent être le secret, la filiation, la lâcheté et la
honte, peut provoquer un certain malaise à cause du personnage principal
et de la trame quelque peu nébuleuse de l’ensemble. A dix-huit ans, la
crise d’adolescence pointe encore le bout de son nez, mais il semble que
cette dernière soit traitée de manière purement caricaturale. Dans L’ombre d’un père, les nuances n’existent pas, les relations sont tendues, et malheureusement, les réponses se font attendre.
A partir de 15 ans