vendredi 11 octobre 2013

Les papillons de la Léna, Christian Garcin

Ed. Ecole des Loisirs, paru le 1er mars 2012. 135 p. 9 €

« L’immense et puissant fleuve Léna (qui) irrigue et nourrit le pays de Iakoutie sur des milliers de kilomètres du sud au nord, à l’intérieur et au bord duquel grouillent, jouent, se battent, se dévorent, se guettent, s’ignorent, s’apprécient, se détestent, se tolèrent, grandissent, vivent et disparaissent depuis des millénaires des milliers de formes de vie, de l’éphémère la plus fragile au bœuf musqué le plus colossal – et sur lequel flottent tant de choses diverses, comme certains bouts de bois à la forme un peu bizarre. » 
Parlons-en de ce morceau de bois ! A cause de sa vague ressemblance avec un lièvre (et pourtant un lièvre ça ne nage pas !), il va perturber la journée de tout ce petit peuple énoncé ci-dessus ! Véritable fil d’Ariane, cette grosse branche perturbe entre autres, Lelio Lodoli l’aigle qui parle de lui à la troisième personne, Spiridon Titov, l’élan poète à ses heures perdues, ou encore Ossoufri Laboda, l’esturgeon rebelle …Affublés de patronymes slaves, les animaux du bord du fleuve pensent aussi et dissertent. Tous ont un trait de caractère différent mais tous pensent que « le rêve et la réalité ne sont pas vraiment distincts », et c’est cette particularité qui les distingue finalement « des animaux humains ». Ainsi, on trouve un écureuil cherchant à s’orienter, on suit Iaroslav Fafnir le renard peu futé (ce qui est un comble pour un renard !) à la recherche de sa pitance quotidienne, et handicapé par son absence de ruse :
« il ne brillait ni par ses connaissances générales, ni par sa mémoire, ni par la suite qu’il pouvait avoir dans ses idées », et enfin, on rencontre Pamphile Strogonov, le bœuf musqué le plus puissant du Grand Delta de la Léna, qui confirmera le proverbe de la louve au chapitre premier : « le battement d’ailes d’un papillon à la source de la Léna peut suffire à provoquer un combat de bœufs musqués à son embouchure. »
Le lecteur suit avec plaisir les aventures de ces animaux qui nous ressemblent. Eux aussi ont leur divinité, une certaine Goritsa, « à la fois le théâtre, l’acteur et le public de sa propre pièce », dont la particularité, telle La Pythie, est de s’exprimer de façon très obscure, si bien qu’à force de phrases tarabiscotées, plus personne ne la comprend… Goritsa est un personnage franchement drôle et bienveillant dans son rôle de surveillante générale de ce peuple. Christian Garcin offre un récit très frais à la prose enlevée avec des personnages finalement très humains, mais qui ont su garder leur sagesse et leur naïveté d’animal pour combler petits et grands lecteurs !