Ed. Ecole des Loisirs, 8 mars 2012, 180 p. 10,20 €
Jolène
c’est le prénom de la jeune fille qui a réussi à faire chavirer le cœur
d’Aurélien, le narrateur. Pourtant, Aurélien, dix-huit ans, stetson
vissé sur la tête, est un grand solitaire, aux goûts musicaux décalés
par rapport à ceux de son âge. Alors que ses camarades de fête dansent
sur Black Eyed Peas, il savoure les solos à l’harmonica de Ray La
Montagne, et écume les concerts de jazz du coin. Certes, les filles ne
lui sont pas indifférentes, mais il leur reproche finalement d’être
« toutes pareilles », formatées dans une société dans laquelle il se
sent « piégé », et dont le manque d’harmonie l’assomme. Sa rencontre
avec Jolène à un concert va bouleverser sa vie. Elle a son âge, partage
les mêmes goûts musicaux et cache aussi une faille. Pour Aurélien, c’est
une famille désunie avec un père adultère, une mère résignée et un
frère malheureux, pour Jolène c’est un penchant (déjà) pour la
bouteille. Leur histoire d’amour va vite, tout comme la prose choisie
par l’auteure pour la décrire. Ces jeunes gens la vivent comme si la fin
du monde était proche. D’ailleurs, notre héroïne dit elle-même qu’elle
n’a pas le temps pour les politesses, il faut que tout aille vite de
peur « de tomber et ne plus pouvoir se relever ». Ainsi, grâce à Jolène,
Aurélien n’a plus peur d’aimer. Il l’aime comme son homonyme célèbre de
fiction aime Bérénice :
« Bérénice est son secret. La poésie de sa vie » (Aragon, Aurélien, Folio Gallimard).
En
lisant ce roman, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec le
roman de Louis Aragon. Tous les deux vivent un amour qui les transporte
et les emporte vers l’inconnu. Ils forment un couple fusionnel et
imprévisible. Celui qui autrefois avait « une réputation de parfait
salaud », un peu comme celui d’Aragon « il n’achevait rien, ni une
pensée, ni une aventure. Le monde était pour lui plein de digressions
qui le menaient sans cesse à la dérive » (Aragon, Aurélien,
Folio Gallimard), devient un jeune homme à l’écoute, avide de ne plus
côtoyer les mensonges, la lâcheté et l’indifférence sous prétexte de se
protéger. La musique a une part importante dans le récit. Chaque partie
du roman est identifiée à un standard américain. Ainsi, on croise John
Lee Hooker, Johnny Cash, ou encore Ray La Montagne. On est bien loin des
succès du moment. Ainsi leur amour est peut-être à l’image de leurs
goûts : décalés, universels, mais surtout en quête d’absolu. Finalement,
l’auteure a su transcender une histoire adolescente « à la vie, à la
mort », avec toute la sensibilité due à cet âge, sans tomber dans la
facilité, les clichés, et le prévisible. Par petites touches
pertinentes, elle explore les facettes du comportement amoureux dans
tout ce qu’il possède d’incroyablement généreux et d’infiniment triste.
(A partir de quinze ans)