lundi 21 août 2023

L'ère de la Transparence

 

Dans une société où règne la sacro sainte Transparence, au sein de laquelle il est impossible de se cacher des autres, une famille réussit pourtant à disparaître sans que personne puisse fournir des éléments tangibles.

C'est à partir de ce paradoxe que Lilia Hassaine pose sont troisième roman en le situant en 2049, dans une France qu'on pourrait qualifier de dystopique car elle a fait le choix d'une idéologie dans laquelle la vie privée telle qu'on la conçoit n'a plus cours.

"Très vite, la discrétion a eu l'air d'une affreuse prétention. Refuser de montrer, c'était dissimuler".

 Dès lors, le règne de la Transparence a commencé, bousculant tout sur son passage : architecture, administration, quotidien, faisant des citoyens des individus transparents aux yeux de tous.

"Les constructions modernes seront transparentes. On rénovera les lieux de culte et monuments du patrimoine qui peuvent l'être : les murs de pierre seront remplacées par des vitres. On détruira les logements, les écoles, les prisons, les hôpitaux, les commerces pour construire des maisons-vivariums, où chacun sera garant de la sécurité et du bonheur de ses voisins". "La Transparence a , bien souvent, permis d'abolir la distance aveugle qui séparait les hommes de leur humanité". 

Et pourtant, Hélène, ancien commissaire de Police, doit reprendre du service car une famille entière a disparu. Miguel, Rose et leur fils Milo ne donnent plus signe de vie et les voisins, malgré qu'ils vivent dans un quartier réputé pour obéir aux règles de la Transparence, sont incapables de dire où ils ont bien pu passer. C'est par le recoupement entre les témoignages de ceux qui les connaissent qu'Hélène va mettre au jour une réalité bien plus sombre mettant à mal les certitudes de chacun sur les bienfaits de leur société...

Panorama est le panorama de ce nouveau monde. Au fil de la lecture, il y a quelques similitudes avec des concepts déjà établis dans notre société connectée. Trop en montrer a ses revers qu'il est difficile de gérer quand cela va trop loin.

"Ce qui compte, c'est que ça circule. les flux. Les tendances. Se laisser influencer par ses propres idées. L'algorithme nous approuve, entretient nos croyances, nous conforte dans nos choix (...) Ne pas communiquer pour ne pas évoluer. Echanger, pour ne surtout pas changer".

A force de vivre derrière nos écrans, nous nous rendons plus compte de ce qui se joue dans la vraie vie. Les personnages du roman sont remplis de fêlures, emprisonnés dans des rôles qu'ils se donnent et qu'ils n'arrivent plus à supporter. Seulement, abandonner ce mode de vie c'est se retrouver en marge de la société et de la Transparence, c'est faire le choix d'être montré du doigt et hué.

Malgré tout, au sein d'un monde où on croit avoir banni la violence, on se rend compte que cette dernière existe encore, tapie en chacun de nous, prête à sortir pour protéger celui qui croit ses convictions en danger.

Ed. Gallimard, collection La Blanche, août 2023, 240 pages, 20€