Chroniquer un recueil de nouvelles de Châteaureynaud n'est pas simple, surtout lorsqu'il a été déjà décortiqué en amont dans La Règle du jeu par Christine Bini à qui il dédicace d'ailleurs son ouvrage. C'est donc à mon humble niveau, et sans le recul de la spécialiste de l'œuvre non négligeable de l'auteur, que je me permets d'écrire ces lignes.
Dans les dix nouvelles présentées, il y en a une, intitulée C'était écrit sur laquelle je ne reviendrai pas car je l'avais déjà chroniquée lorsqu'elle avait été publiée aux Editions Rhubarbe, et qui ouvre le recueil.
"Être, se sentir chez soi, quelle merveille ! Hors de chez soi, si l'on ne peut compter sur cette base arrière, sur ce sanctuaire, le monde n'est que chaos et danger". (C'était écrit)
Symboliquement, elle annonce l'odyssée de l'auteur dans un univers qu'il affectionne : la surprise de l'événement fantastique pour mieux expliquer l'humain et la société. Au fil des récits, nous rencontrons des têtes qui parlent (Ce qui tombe du ciel), des robots sosies (Ego, Ariel et moi) ou des doubles (Portable), comme si finalement nous n'étions pas qu'un mais plusieurs capables de mener plusieurs vies à la fois ou carrément en train de mener une vie qui n'est pas la nôtre, une vie erronée en quelque sorte (Oh Bigdata, la rectification)
"Souffrir de ses nom et prénom, c'est comme d'avoir, à vie, un minuscule caillou dans chaque soulier. La double blessure peut être minime, elle ne se laisse jamais oublier". (Oh, Bigdata )
"Par toutes mes fibres, je percevais entre cet inconnu et moi une identité profonde". (Portable)
Parfois, il suffit d'une simple photo pour que l'histoire familiale oubliée ou refoulée resurgisse. Dans Brocante mystique, un homme désabusé retrouve la seule photo de sa famille réunie. Dans Photo-mystère, il suffit d'avoir gagné au stand de tir pour avoir comme lot, une photo Harcourt de sa mère.
Dès lors, peut-on parler de hasard ? En relisant les nouvelles, on se rend compte que chaque personnage possède quelque chose qui le relie à son destin. Dans les miroirs ferment mal, l'écrivain fantastique Germinal va vivre une expérience digne de ce qu'il aurait pu écrire dans ses livres. Résidence dernière, qui clôt le recueil, évoque la notion de postérité à travers un étrange voyage en bus et une destination vers Ce parc dont nous sommes les statues.
Il y a tellement d'idées à retenir, de thèmes à choisir, de sens à prendre dans ce recueil que chaque relecture d'un titre propose une nouvelle piste de compréhension. Et c'est aussi cela l'art de la nouvelle, proposer une attention sans cesse renouvelée grâce à un nouveau champ du possible.
Ed. Grasset, octobre 2022, 208 pages, 19€