mardi 16 novembre 2021

REGARDS CROISES (41) Le roman qui fait pschitt

 

UN ROMAN, DEUX LECTURES avec Christine Bini

Un roman, deux lectures - avec Christine Bini

C'est le 41ème Regards Croisés, une lecture partagée avec mon amie Christine Bini. Nous décidons ensemble du roman ainsi que de la date de la mise en ligne de nos articles, mais nous n'échangeons pas sur notre lecture afin de ne pas nous influencer.


Stephen King renoue avec ce qui a fait plusieurs de ses succès en utilisant un enfant héros du roman et narrateur. Et il est doué car James est un personnage parfait, en accord avec son temps, qui grandit avec ses questionnements sur la famille, le temps et l'adolescence. Mais c'est surtout un gamin qui vit avec un fardeau, celui de pouvoir voir et communiquer avec les morts pendant un temps donné avant que ces derniers disparaissent on ne sait pas trop où.
"Alors oui, je peux voir les morts. D'aussi loin que je m'en souvienne, il en a toujours été ainsi. Rien de commun avec le film Sixième Sens, cela dit".
Ce n'est pas tant cette faculté qui accable James mais bel et bien le fait qu'il voit le mort tel qu'il était au moment de son trépas, et parfois ce n'est absolument pas beau à voir...

Jusqu'à la moitié du roman, James grandit ainsi, partageant son secret avec sa maman, agent littéraire, qu'il a retiré de la mouise en lui servant de medium alors que son auteur phare venait de décéder. Et puis, quand Liz, l'ex-petite amie de sa mère, l'a utilisé pour découvrir la dernière bombe d'un tueur en série surnommé Thumper, le gamin devenu adolescent a bien compris qu'il était instrumentalisé par les adultes et que le Thumper était bien différent des autres morts...
 
Quand le lecteur bascule dans la seconde moitié du roman, on s'attend a du bon Stephen King, même si on sait que la fin de ses romans est toujours plus ou moins faible. Sauf que là, l'intrigue fait pschitt ; le ballon de baudruche se dégonfle et l'auteur lui-même se fait prendre à son propre piège : à force d'annoncer de l'épouvante à la fin de ses chapitres, il n'arrive pas à en produire, pire même, il sombre dans le cliché et n'arrive pas à générer ce qui a fait bon nombre de ses succès : une intrigue originale.

Je pense que Stephen King a inventé beaucoup de choses en littérature et que bon nombre d'auteurs derrière lui se sont inspirés de son univers. Avec Après, il détenait la bonne idée à exploiter : une lutte entre le mortel et l'immortel, le concept d'un corps réceptacle, un rituel obscur à accomplir pour être libéré dune lumière-morte et atteindre "le vide absolu, et la sérénité, et l'éveil spirituel qui en découlent".
Or, il manque l'étincelle. L'histoire est trop plate, les péripéties se succèdent tels des mini-épisodes de série ; on tourne la page, on passe à autre chose avec à chaque fois, un parallèle avec le Dracula de Bram Stocker. Pourtant, nous ne sommes pas dans Salem (qui, au passage est selon moi, un des dix meilleurs romans de Stephen King)

Alors oui je n'ai pas eu de mal à lire Après jusqu'à la fin, mais sa promesse littéraire de première partie n'a pas été tenue. Je suis déçue car ce roman s'ajoute à ma pile personnelle de ses romans ratés, même si, au fond de moi, je trouve toujours des excuses à ce grand auteur.

Cliquez sur Christine Bini (en haut de cette page) pour découvrir son article.


Ed. Albin Michel, traduit de l'anglais (USA) par Marina Boraso, novembre 2021, 336 pages, 20.90€
Titre original : After