Prix Pulitzer 1985
Malgré son titre anglais qui pourrait faire penser à un roman se situant dans les hautes sphères de l'Etat, on découvre plutôt l'histoire de deux universitaires américains que tout oppose, partis à Londres pour leurs recherches
Pour Vinnie, universitaire américaine, petite et laide selon les canons du moment, son séjour de six mois à Londres est une libération, loin de l'hypocrisie de ses collègues qui voit en sa spécialité - la littérature enfantine et son folklore - un sujet suranné, la mettant à l'écart lors des réunions.
"Vinnie, bien qu'intelligente et sympathique, est un personnage un peu comique, avec sa passion pour les danses folkloriques traditionnelles, les livres d'enfants, et tous les aspects pittoresques et surannés de la Grande-Bretagne"
En Grande-Bretagne, son thème de prédilection est pris au sérieux et elle reçoit donc écoute et attention auprès de ses pairs. De toute façon, en Amérique, Vinnie la célibataire n'a personne qui l'attend.
A Londres justement, un de ses collègues d'université, Fred Turner, ne trouve plus l'exaltation qu'il avait lors de son arrivée. Ses recherches de thèse piétinent et surtout il se morfond, sans nouvelles de son épouse avec laquelle il est sur le point de divorcer. Alors, ce pays incarne pour lui un épisode de sa vie qu'il préfère oublier.
Or, sa rencontre avec Rosemary, actrice célèbre, va changer la donne. Cette dernière est aussi enjouée qu'elle est passionnée. La beauté de Fred la rend folle, l'argent et la vie luxueuse de Rosemary l'arrangent bien. Alison Lurie raconte cette passion arrangeante - qui le devient moins en moins avec le temps - en mélangeant humour et causticité. Ce sont deux univers qui se confrontent, la mentalité anglaise d'un côté, américaine de l'autre. Alors, quand Fred doit rentrer au pays pour ses obligations universitaires, la guerre est déclarée.
"Rosemary l'a peut-être aimé, mais elle a la mentalité du colonisateur ; elle est prête à tout pour lui, sauf à lui accorder l'indépendance".
Vinnie est le témoin éloigné de l'histoire de Fred. De son côté, alors qu'elle ne s'y attendait pas, elle entame une histoire intime avec un touriste américain qui s'est entiché pour la généalogie. A cinquante-quatre ans, elle ne s'attendait plus à aimer et à être aimée en retour, sans arrière pensée.
"Il y a des années qu'elle essaie de s'habituer à l'idée que le reste de sa vie ne sera que l'épilogue d'un roman qui n'a jamais été, il faut le dire, très passionnant".
Elle qui croyait avoir déjà atteint le dernier épisode de sa vie, s'accorde encore quelques péripéties...
Liaisons étrangères est un bonheur de lecture principalement grâce au ton employé par l'autrice. Loin de "la barbarie américaine", elle raconte les grandes et petites hypocrisie des universités, tout en critiquant aussi les poncifs des anglais concernant les américains.
Le cocktail est savoureux souvent drôle car les contraires s'attirent et se rejettent, chacun restant sur leurs positions et leur vision de l'amour.
Vinnie est un personnage attachant, à la fois victime de la férocité de ses pairs et actrice de sa parenthèse existentielle à Londres.
Prix Pulitzer en 1985, ce roman n'a pas pris une ride. Les éditions Rivages ont d'ailleurs réédité certains romans de l'autrice, décédée en décembre 2020.
Ed. Rivages, collection Poche, traduit de l'anglais (USA) par Sophie Mayoux, avril 2017(réédition), 425 pages, 9.60€
Titre original : Foreign Affairs