vendredi 12 juin 2020

Et elle se mit à creuser...


Dans ce roman étrange qui vire rapidement au huis clos, on y retrouve l'atmosphère étouffante de Thérèse Raquin d'Emile Zola et l'affrontement psychologique de Misery de Stephen King.

Oghi et son épouse ont tout pour être heureux. Une belle maison, un poste alléchant de professeur de faculté et quelques projets. Oghi est un homme sûr de lui, dominant même sa conjointe qui n'a jamais su se trouver professionnellement et dont l'objectif était de ressembler à idole du moment, sa photo pieusement cachée dans son sac à main.
"Pour lui, le malheur de sa femme consistait en son désir de toujours ressembler à quelqu'un et son habitude de renoncer à mi-parcours".
Pour évacuer la pression de sa vie conjugale et l'échec de son parcours professionnel, la jeune femme s'est mise à jardiner. Très vite, l'entretien de l'espace vert devient une obsession : les fleurs, les plantes expriment un langage qu'elle tente de décoder. Et depuis peu, elle s'est mise à creuser un trou sans trop savoir ce qu'elle en fera.
"Il détestait par dessus-tout que sa femme lui parle du langage des fleurs".
En tout cas, Oghi n'a jamais su puisqu'en partant en week end, ils ont un grave accident de voiture. Son épouse meurt tandis que lui survit, mais complètement paralysé...
Après deux mois d'hôpital Oghi rentre chez lui pour faire sa rééducation. C'est sa belle-mère qui s'occupe de lui. Très vite elle a un comportement assez étrange ; elle peut être un jour très attentionnée puis un autre jour le laisser sans soin. Oghi lutte pour récupérer l'usage d'un bras,puis d'une jambe car il sent que la vieille dame perd pied. Et puis, pourquoi s'est-elle mis en tête de terminer le trou du jardin commencé par sa fille  tout en marmonnant tasukete kudasai ?
"Quand sa belle-mère va au jardin, elle porte un chapeau à large bord qui protège son visage, couvre ses bras de longues manches noires et enfile un pantalon serré en bas. Ainsi, elle ressemble beaucoup à sa femme, sans doute parce qu'elle porte la même tenue qu'elle".
S'entame alors un affrontement psychologique entre Oghi qui recouvre peu à peu sa mobilité et sa belle-mère bornée, rusée qui cache un lourd projet.

Le jardin est un huis clos étouffant dans lequel la confrontation se fait essentiellement par le regard et les gestes. Le personnage principal, Oghi est le témoin impuissant de ce qui se prépare contre lui et cherche inlassablement un moyen de pouvoir "maîtriser" une belle-mère au caractère très changeant. Oghi voit tout, entend tout. Pour le fuir, mieux vaut aller dans le jardin et terminer le travail commencé...



Ed. Rivages, collection Noir, traduit du coréen par Lim Yeong-Hee en collaboration avec Lucie Modde, 157 pages, 19€
Titre original : The Hole