mardi 10 septembre 2019

La Valse sans fin, Mayumi Inaba

Izumi, écrivain de renom, raconte son histoire d'amour fou pour Kaoru, saxophoniste de jazz, paumé et drogué. Nous sommes dans les années 70 et tous les deux aspirent à un absolu.


"Depuis l'enfance, j'étais persuadée que je n'avais pas toute ma raison et le monde pour moi était cassé quelque part. Je me sentais jalouse de la vie des autres, cette vie dont je ne pouvais pas faire l'expérience. Le mal m'était plus familier que le bien".

C'est avec cette béance qu' Izumi décide de quitter ses parents pour vivre sa vie dans la capitale japonaise. Films pornos, revente de médicaments, boulots temporaires, tout est bon pour pouvoir acheter des médicaments en pharmacie qui pourront apaiser, le temps d'un shut, sa propre existence.
Un jour, dans un parc, elle rencontre Kaoru. Il est en plein trip et essaye de jouer du saxophone. Il est sans domicile, il la suit. Commence alors une histoire d'amour  passionnée et violente entre deux êtres qui se droguent et aspirent à un absolu, lui en jouant de la musique, elle en écrivant.
"Lui et moi nous nous ressemblions. Son monde aussi était cassé quelque part. Je n'aurais su dire depuis quand, mais à l'intérieur de mon corps chétif, il y avait un trou béant. Il cherchait à combler ce vide par la musique et la drogue. Tout comme moi j'essayais de combler mon propre vide avec les médicaments et les mots... Et ni lui ni moi ne comprenions pourquoi une telle déchirure s'était produite en nous".
Malheureusement la drogue ne fait pas de miracles. Kaoru s'enfonce de plus en plus. Sa recherche musicale l'entraîne vers une pente dangereuse qu'il n'arrive pas à gérer.
"Le jazz que je joue n'a pas de mélodie. Ce ne sont que des fragments. Il n'y a pas non plus de variations. Il y a seulement une note extrême que je n'arrive à produire qu'une seule fois".
 "C'est seulement quand il manquait de mourir en se noyant dans le flot des notes qu'il se sentait vivant".
Il sombre dans la jalousie et la violence tandis qu'Izumi tente de gérer sa grossesse. Au fil du temps, elle n'a plus de prise sur son quotidien ni sur son amour impossible pour Kaoru. 
"Le monde me paraît toujours blanc. Non, pas de la couleur propre et nette du blanc, mais un blanc si blanc qu'il semble vaporeux et transparent, si flou qu'on peut passer au travers. Il est dénué de chaleur. Je ne sens rien si je le touche".
Alors que la jeune femme commence à s'accepter et décide de le quitter, Kaoru meurt d'une overdose.
Les années ont passé mais le souvenir est très présent. "Ecrire sur Kaoru, c'était comme s'écorcher la peau après avoir arraché la croûte qui s'était enfin formée". C'est aussi éloigner les pensées de mort qui l'assaillent. A travers l'écriture, le musicien reste un peu vivant.
"Ce qui compte c'est la vitesse. Vivre plus vite que tout le reste".
C'est ce que pensaient ces deux êtres complémentaires et entiers.

Inspiré d'une histoire vraie, La Valse sans fin raconte une histoire d'amour tumultueuse qui ne souffre d'aucune limite, portée au firmament par deux personnages forts et entiers. Avec ce roman, la défunte autrice change radicalement de registre par rapport à La Péninsule aux vingt-quatre saisons.


Ed. Philippe Picquier, août 2019, traduit du japonais par Elizabeth Suetsugu, 140 pages,14€
Titre original : Endless Waltz