Kailash a quitté son Inde natale pour préparer une thèse de littérature à Columbia. Devenu apatride, il devient à la fois témoin et acteur de sa nouvelle vie. Seulement, il n'est pas facile de se construire dans un pays étranger.
"Je conçois l'écriture comme un moyen d'identifier, voire de résorber, le clivage qui scinde ma vie en deux : le fossé entre l'Inde, mon pays natal, et les Etats-Unis, où je suis venu vivre à l'age adulte".Il a fallu deux décennies pour que Kailash écrive ses souvenirs de jeunesse. A vingt ans il avait certes déjà le virus de l'écriture, mais il l'a mis vite de côté pour profiter au maximum de sa vie amoureuse. Les désordres de l'amour, les complications du désir vont lui en apprendre davantage que les livres. Aux Etats-Unis, il se rend compte que sa construction identitaire se fait dans la souffrance et la culpabilité ; souffrance de se sentir seul et isolé (alors qu'il n'est pas le seul indien étudiant sur le campus) et culpabilité d'avoir abandonné ses parents.
"L'immigrant se sent chez lui dans le sentiment de culpabilité"Fort de ce constat, il devient spectateur de ses choix, notamment en matière amoureuse :
"J'étais, quant à moi, l'acteur permanent d'une pièce que je mettais en scène dans ma tête".Chaque femme rencontrée lui apprend à mieux se connaître. Au fur et à mesure l'histoire du singe suicidaire raconté en famille en Inde prend toute sa valeur en devenant une métaphore filée sur les destin :
"Elle resta longtemps gravée dans mon esprit, comme un récit fondateur qui m'enseignait la véritable nature de la peur, ou peut-être me donnait une leçon sur le destin".Kailash apprend, étudie (de loin en loin) se fait des amis, mais ne tombe pas véritablement amoureux. A chaque fois, sa compagne du moment s'y emploie pour deux. Finalement, ce sentiment ne viendra-t-il pas quand il aura évacué cette croyance persistante de n'être qu'au fond un immigré de passage ?
Itinéraire d'un singe amoureux est un auto récit sur la quête d'identité. Le ton se veut léger, souvent drôle et l'auteur n'a pas hésité à intégrer photos, coupures de journaux et extraits d'ouvrages pour mieux étayer son propos. De fait, on se laisse prendre facilement au jeu et on suit pas à pas avec plaisir le jeune Kailash dans sa nouvelle vie façonnée par une éducation aux antipodes des codes du pays qu'il a choisi.
Ed. Gallimard, collection Du Monde Entier, traduit de l'anglais (USA) par Maxime Shelledy, 350 pages, 22€
Titre original : Immigrant, Montana