vendredi 12 octobre 2018

REGARDS CROISES (33) C'est le cœur qui lâche en dernier, Margaret Atwood

Regards croisés

Un livre, deux lectures. En collaboration avec Christine Bini 

Après La Servante Ecarlate, Margaret Atwood présente une nouvelle dystopie dans laquelle  pénitencier et ville modèle s'unissent pour proposer une nouvelle société.

Rien ne va plus pour Charmaine et Stan. Les jeunes mariés dorment dans leurs voitures depuis la dernière crise boursière. Chomâge, emprunts toxiques, mauvais choix politiques ont amené une partie de la population américaine au bord du gouffre. Les tourtereaux vivent au jour le jour, protégeant leurs derniers biens des pillards qui écument les rues. 
Dans le bar de passes dans lequel elle travaille quelques heures comme serveuse, Charmaine est attirée par une publicité dans laquelle la ville modèle de Consilience recherche de nouveaux habitants. Forcément, tout est beau ; forcément, Charmaine persuade Stan de s'inscrire. Un toit, un travail, des repas équilibrés, c'est inespéré par les temps qui courent...
"Les villes jumelles de Consilience / Positron représentent ne expérience (...) Si elle réussit - et il faut qu'elle réussisse, c'est possible s'ils unissent leurs forces -, ce pourrait être le salut non seulement des nombreuses régions si durement touchées ces derniers temps, mais aussi, au final, si ce modèle est adopté, aux plus hauts niveaux, de la nation dans son ensemble. Chômage et criminalité réglés d'un coup d'un seul, et une vie nouvelle pour tous les gens concernés".

Ce que la réclame ne précisait pas, c'est que cette vie est alternative. En effet, le couple passe un mois dans leur nouvelle maison, les journées étant rythmées par les horaires de leurs nouveaux emplois, tandis que l'autre mois, Charmaine et Stan le passent à la prison de Positron. Pendant ce temps, un autre couple "les alternants" occupe leur maison.

Drôle de fonctionnement de société ! Il y a bien quelque chose qui cloche mais Charmaine est incapable de mettre le doigt dessus, tout occupée à batifoler avec Max, un résident comme elle, qui lui redonne goût aux ébats sexuels. Quant à Stan, il se morfond. Pourquoi cette volonté de tout aseptiser, de ne dire que le strict minimum et surtout, pourquoi Charmaine n'est plus aussi encline à accepter des câlins ?

Un matin il découvre dans la villa un mot doux laissé par un des alternants. Dès lors s'ensuit une série de péripéties dans lesquelles Charmaine et Stan mettront non seulement leur amour en danger mais comprendront aussi les véritables intentions des dirigeants de la cité modèle de Concilience...

L'idée est intéressante d'autant plus quand elle vient d'un auteur déjà connu et reconnu pour ce genre de roman. Le premier tiers du roman est captivant car il décrit une société finalement pas si éloignée de la nôtre, et une solution à première vue "bien sous tous rapports" mais trop belle pour être véritablement honnête.
Le bât blesse dans la seconde partie de l'intrigue. La multiplicité des péripéties dilue l'intérêt du récit. Le lecteur est de moins en moins captivé. Les personnages deviennent ridicules à force de naïveté. L'idée première du texte devient secondaire, et on en vient à regretter que la dystopie de départ ne soit pas davantage développée.
Finalement, on sort de cette lecture avec un sentiment mitigé, beaucoup moins enthousisae qu'au début.


Ed. 10/18, août 2018, traduit de l'anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, 480 pages, 8,80€
Titre original : The Heart Goes Last