La nouvelle, parue une première fois en 2008 dans le recueil Saules aveugles, femme endormie (Belfond, traduction Hélène Morita) raconte l'étrange anniversaire de la narratrice, le jour de ses vingt ans.
Dans le restaurant italien où elle travaille, elle fait maintenant partie des murs et elle sait comment faire pour ne pas attirer les foudres de son patron. L'ambiance n'est pas des plus géniales mais au moins on la laisse tranquille ; n'empêche il y flotte comme une atmosphère empreinte d'étrangeté, symbolisée par celle qui trône à la caisse :
"On murmurait qu'elle siégeait là sans interruption depuis l'ouverture du restaurant, telle une figure sombre tout droit sortie de La Petite Dorrit de Charles Dickens (...) Autour d'elle, l'atmosphère était en quelque sorte froide et coupante. On pouvait très bien imaginer que, si vous la rencontriez flottant sur l'océan dans la nuit, elle ferait sans doute chavirer et couler tout bateau qui tenterait de l'approcher".
Même si son directeur est plus accueillant, ce dernier, chaque soir, se plie à un étrange manège. Il apporte le dîner au propriétaire qui vit au dernier étage de l'immeuble. Le repas est invariablement identique, jour après jour. Personne n'a jamais vu le vieil homme, si bien que les rumeurs les plus folles courent à son sujet dans le restaurant. Un soir, le directeur est obligé de rentrer chez lui pour se reposer. Avant de partir, il demande à la serveuse de le remplacer : à elle d'apporter le repas au cinquième étage, chambre 604.
"Lorsque le dîner du propriétaire fut prêt, à huit heures, elle fit rouler la desserte jusqu'à l'ascenseur du cinquième étage".Sauf que là, contrairement à ses habitudes, le vieillard ouvre la porte et lui demande d'entrer. Parce qu'elle lui annonce que c'est son anniversaire, le vieil homme lui fait une étrange proposition.
"Vous allez faire un vœu. Et je l'exaucerai. Quel qu'il soit. A condition que vous ayez un vœu à formuler".
Chez Murakami, on frise toujours avec le fantastique, c'est pourquoi les illustrations de Kat Menschik ne pouvait que renforcer cette impression. En osmose avec la couverture, les dessins ne sont que des suggestions du texte ; ainsi, le mystère entretenu jusqu'à la fin de la nouvelle est préservé. Les couleurs sont des nuances de rouge, de blanc et de rose aux traits très contemporains. Aucun indice ne nous permet de comprendre qui est ce propriétaire qui cache bien son jeu, et c'est mieux ainsi !
Dès lors, il convient au lecteur de lire ce témoignage jusqu'au bout pour bien comprendre la valeur du vœu exaucé pour la belle.
Ed. 10/18, octobre 2018, traduit du japonais par Hélène Morita, 64 pages, 8,40€