Récit d'un amour malheureux durant le dernier été avant la Grande Guerre, L'été de Katya est aussi un thriller psychologique qui amène inexorablement le lecteur vers un épilogue dramatique.
Jean-Marc Montjean est revenu sur Salies, petit village du Pays Basque d'où il est originaire, après avoir fait ses armes à Paris en tant que médecin. Il assiste le docteur Gros, figure locale et coureur patenté. A Salies tout le monde se connaît, et les rumeurs vont toujours bon train. Depuis quelques temps, la famille Treville est venue emménager à Etcheverria, une propriété quasiment à l'abandon. On sait peu de choses d'eux sinon qu'ils sont très discrets.
"Ce premier coup d’œil, par-dessous mon canotier, fut distrait et rapide, et je replongeai dans mes pensées. Sauf que, presque immédiatement, mon regard fut de nouveau attiré."
Lors d'un après midi à révasser, Jean-Marc croise une ravissante jeune fille qui lui demande de l'aide : son frère est tombé en bicyclette et a besoin de soins. Pour le jeune homme, cette rencontre est un coup de foudre ; la femme dit s'appeler Katya Treville et noue d'emblée le dialogue. Son frère, Paul est en fait son frère jumeau et il lui ressemble étrangement. Paul est plus sur la réserve, hautain même avec le jeune médecin.
Dès lors, Jean-Marc va se lier d'amitié avec le duo afin de pouvoir se rapprocher de Katya. En cet été étouffant de 1914, il y a comme un sentiment de temps suspendu, comme si il fallait profiter de l'instant présent avant que ne déferle l'horreur du conflit.
"Je me sentais si jeune, si fort, désireux de croquer la vie à pleines dents - quitte à me battre avec elle, si nécessaire - et de façonner le destin à l'image de mes désirs".
Peu à peu, Jean-Marc entre dans l'intimité de la famille Tréville, faisant aussi la connaissance du père, un historien un peu farfelu passionné de la vie paysanne au Moyen-Age.
"Mon père vit dans le passé lointain, et mon frère et moi avons toujours vécu dans l'instant, ou du moins au jour le jour. Nous ne parlons jamais de l'avenir. Je suppose que j'ai toujours considéré le futur comme un grand tas de lendemains qui attendent chacun leur tour pour devenir aujourd'hui".
Cependant, Paul est un frein aux tentatives d'approche du médecin. Il est sans cesse en train de vouloir protéger sa sœur, et entretient une relation d'amitié ambiguë avec le jeune basque. Il le rejette tout en lui demandant de rester auprès d'eux. Quand il lui annonce qu'ils vont bientôt déménager, il confie un lourd secret, espérant ainsi que ses révélations feront fuir Jean-Marc. Or, véritablement amoureux de Katya, le jeune homme décide plutôt d'enrayer l'inéluctable afin de pouvoir sauver la jeune femme et vivre son amour au grand jour. Mais Katya est-elle aussi amoureuse ?
"Un léger frisson traversa son corps, puis elle se raidit et son regard tomba sur moi, calme mais distant. Elle ne se débattait pas mais sa résistance passive, son indifférence immobile, eut pour effet de refroidir mon ardeur (...) Je voulais à la fois relâcher mon étreinte et l'embrasser, et ne savais que choisir. J'étais jeune. Je l'embrassai".
Trevanian plonge le lecteur au Pays Basque de la Belle époque, à la veille de la déclaration de guerre, dans une région où les traditions sont ancestrales et les mentalités très fortes. Le trio formé par le médecin et les jumeaux est la pierre angulaire du roman. Au fil des pages, Trevanian distille de l’ambiguïté dans les relations, et lâche des indices permettant de faire monter le suspens. Malgré le titre et le coup de foudre de Jean-Marc, ce roman est aussi un thriller psychologique astucieux qui saisit l'atmosphère d'un été étouffant pour emmener le lecteur vers un épilogue implacable à la hauteur des grands romans noirs.
Ed. Gallmeister, collection Noire, novembre 2017, traduit de l'anglais (USA) par Emmanuelle de Lesseps et Marc Boulet, 258 pages, 20.50 €
Titre original : The Summer of Katya
Ed. Gallmeister, collection Noire, novembre 2017, traduit de l'anglais (USA) par Emmanuelle de Lesseps et Marc Boulet, 258 pages, 20.50 €
Titre original : The Summer of Katya