Le roman débute là ou le premier tome se terminait : Ixora est laissée pour morte sous une pluie battante, battue par celui qui partage sa vie, Amok.
Amok fuit, horrifié par sa bestialité et la certitude que finalement il est comme son père qui battait jadis Madame. La violence envers les femmes serait-elle une histoire de famille ?
"Amok avait frappé Ixora parce qu'il ne s'était plus contrôlé. Il l'avait abandonnée dans la boue parce qu'il s'était habitué à se rétracter en lui-même pour éviter les conflits, la douleur, la honte. Il ne savait pas très bien où il était, mais le moment était venu pour lui de quitter cet endroit".
Dans la berline qui fonce à travers l'orage, il décide de rejoindre le village de son père afin de l'affronter enfin. Cela fait des années qu'il ne l'a pas vu et ils n'ont jamais vraiment parlé d'homme à homme. Seulement, Amok est victime d'un accident de voiture. Dans l'attente des secours, il sombre dans l'inconscient et plonge le lecteur dans la connaissance de son histoire intime bouleversante.
" La pulvérulence des matériaux reçus en héritage lui interdisait de se rêver, un jour, bâtisseur de quoi que ce soit, fût-ce dans un couple".
Sa violence est issue d'expériences de jeunesse traumatisantes : il a refusé de participer à un viol collectif dans lequel la jeune fille, plus tard, se suicidera ; il a été victime d'une tante paternelle à la sexualité déviante et humiliante. Adolescent, Amok va laisser ses pulsions sexuelles l'envahir pour plus tard lutter chaque jour contre elles. Son dégoût de lui-même l'empêche d'appréhender sereinement une histoire d'amour, c'est pourquoi sa liaison avec Ixora, l'épouse de son ami défunt Schrapnel, est une denrée précieuse. Elle ne lui propose qu'une amitié sereine, sans relations charnelles, et la possibilité d'être un père pour le petit Kabral.
"Ixora lui avait rendu l'amour oublié des fleurs. Leurs rapports ignoraient la voracité qu'induisait le désir charnel, cette volonté d'incorporer l'autre en soi, cette façon de ne lui ouvrir les bras que pour l'y emprisonner".
Or, même cela il n'a pas pu ou su le préserver. Ixora a décidé d'aimer ailleurs, d'explorer enfin sa sexualité auprès d'une femme, la coiffeuse de Madame, la mère d'Amok.
Sous le prisme d'un réalisme magique, Léonora Miano écrit le chemin de croix d'un homme vers l’acceptation de sa nature véritable. A lui d'accepter sa violence, ses imperfections, ses goûts sexuels sans pour autant chercher un responsable à ce qu'il est intimement. La fuite n'est pas une solution.
"La fuite était devenue son mode de vie. Où était-il en ce moment, où se trouvait-il en vérité, sinon au plus profond de son obscurité intime ? A l'heure de la confrontation avec soi-même, le mécanisme de la défection s'enclenchait, le plongeant dans l'illusion".
Le second tome fait écho au premier ; cette fois-ci ce sont les figures masculines qui s'interpellent, qu'elles soient défuntes, magiques voire irréelles, ou fondatrices d'une lignée tant abhorrée.